Jâavais mis une de mes dents, perdue tragiquement en Ă©ternuant vraiment trop fort, dans un tapis de ouate et plongĂ©e sous mon oreiller afin que la petite souris ne mâapporte quelques sesterces bi-colores de notre chĂšre et jeune monnaie europĂ©enne.
Au petit matin et Ă ma grande stupĂ©faction la fantasmagorique petite rognure de sale race quadrupĂšde, plutĂŽt que dâexhausser ma pĂ©cuniaire et nĂ©anmoins juste supplique, prĂ©fĂ©ra me coller un CD fort inopportun vu ma situation bancaire disons pressante.
âAh! la pâtite salopeâ dis-je mĂ©content Ă lâĂ©gard de la lĂ©gendaire figure moustachue de nos chers bambins Ă la prĂ©caire dentition lactĂ©e. LâĂ©cole nâĂ©tant plus ce quelle Ă©tait, plus aucun de nos tendres chĂ©rubins, fier de ses ratiches hasardeuses, ne goĂ»tera jamais aux joies de la dissection de nos petits traĂźtres rongeurs, au pelage dâalbĂątre de la supercherie et au museau miĂšvrement rose de la trahison.
MalgrĂ© tout, ma dĂ©ception dĂ©colĂ©rĂ©e, je me pris au jeu dâĂ©couter mon malheureux prĂ©sent afin de commencer le deuil de ma sus-dite prĂ©-molaire maladroitement molestĂ©e et dĂ©finitivement dĂ©racinĂ©e.
Finalement et aprĂšs coup, en mâadressant lâalbum dâEnrico Crivellaro, la petite souris me parut avoir peu ou prou un certain goĂ»t pour la bonne musique.
La prĂ©sence de James Harman au chant, sur deux morceaux, me laissait espĂ©rer dâinĂ©narrables moments. Les prĂ©cieux conseils de Kenny Burrell, de Ronny Earl, de Kid Ramos et de Duke Robillard, entre autre, requis par lâauteur pour ce disque exacerbĂšrent ma curiositĂ©.
Le dĂ©but faussement douceĂątre de âyouâre in for a big surpriseâ laissa trĂšs rapidement transparaĂźtre une Ă©nergie et un langage musical que lâon ne retrouve plus guĂšre que dans les autant non-simples compositions de Jimmy Vaughan. âDrinkinâ cheap champagneâ et son intro guitare dâune Ă©crasante langueur confirma cette personnelle premiĂšre impression.
Ceux qui apprĂ©cie lâunivers musical de Kid Ramos ou de Kim Wilson mettront facilement leur canine ou leur dent de sagesse sous lâĂ©dredon afin dâentendre âwalkinâ and walkinââ au sensuel trĂ©molo ou âthe âinâ crowdâ au piano magnifique.
Lâambiance jazzy oĂč la trompette coule Ă flot de âBlack Jackâ ou de âBlack coffeeâ, le groove gravissime de âHelp me flip another flopâ et de âMakinâ moneyâ, ne laissera nullement indiffĂ©rent les fans respectifs de Kenny Burrel et dâAlbert Collins.
Que nos déçus de nâavoir reçu ce dĂ©licieux douze pistes cĂ©ramiquĂ©s en Ă©change dâune dĂ©licate incisive dĂ©chicotĂ©e, sous leur polochon, finissent par pardonner Ă notre campagnol femelle de service de ne point ĂȘtre le pĂšre NoĂ«l, car au final ce nâest quâune gentille petite souris... la conne! |