Au travers de la vitre d?un vieux bus de banlieue, maculée de traces de doigts inconnus et de signatures graphées dans la masse transparente, vos yeux hagards scrutent les lumières de la ville avec un focus retard entêtant. Avec comme seul but, la quête d?ailleurs, Ain?t nobody vous transportent vers la station de la dernière chance. Le touché guitare aigre et saturé façon métal de Single-sided coin vous suggère le goût du remord et de la perdition. Tout au long de ses treize plages, le second opus de Napoléon Washington vous accompagne au c?ur de vos blessures internes comme une B.O.F. de David Lynch, avec l?espoir fugace d?une vie nouvelle et rédemptrice sur Mulholland drive.
Le fleuve de Sin city reflète les derniers réverbères blafards de vos illusions perdus alors que retentissent les premières notes d?Illinois Blues. Le passé revêt ses plus beaux atours avec Stutter and blink, résonnant feed-back d?un souvenir d?enfance enjoué qui vous laisse une dose d?espoir. Interlope et sensible, intelligent et flippant, l?univers de Napoléon Washington, sa touche harmonique mineure récurrente vous laisse face à vous-même, avec comme seule perspective, le doute de l?ange déchu qui pleure ses ailes tout en prenant conscience de la damnation qui le frappe.
Les pickings alternés de précieuses glisses et la voix de Monsieur N., susurrée à l?extrême à vos oreilles de convives en transit, est savamment secondé par les battements pulsatifs d?Isaac Castner et de Jeffrey Baldacci aux percus, par les soubassements souverains de Chuck Schmalleger et par les attouchements nacrés de Spencer Limbough. Compagnons du devoir musical venus de New York, ces derniers donnent à l?ouvrage une qualité artisanale sans pareil. Le swampy-funk Crucify yourself et la valse éthérée A friday nigh song en sont les chefs d??uvre collectifs.
Napoléon Washington et Sépia Productions, par la qualité musicale et l?esthétique du support nous apportent un des produit les plus aboutis du moment. Farouchement encré dans l?instant, dans un esprit de continuité et d?absolu, Homegrown souffle ses contrastes traumatiques comme autant d?orgasmes incertains avec toujours la même putain envie de vivre. |