| Si il avait fallu trouver un titre à cette chronique, cela aurait sans doute été : « De la difficulté de chroniquer le concert d?une légende »? Les choses se compliquent d?autant plus que je suis un fan absolu de BB King? Alors, mettons fin à tout suspens dès cette introduction : si je suis fier, ému d?avoir assisté à ce concert, je sais aussi que je n?ai pas vu le concert d?un musicien au sommet de son art. Pour être tout à fait honnête, je le savais avant même d?avoir entendu le timbre si caractéristique de Lucille : venir chercher le flamboyant BB King de « Live In Japan » était illusoire?
L?opportunité était quand même trop belle ! BB King à Paris pour l?avant dernière date européenne de son « Farewell Tour », je ne pouvais laisser passer l?occasion. En effet, à maintenant 81 ans, cette immense artiste a pris la décision (bien légitime) de faire ses adieux à l?Europe et de ne plus tourner exclusivement qu?aux Etats-Unis. Pour ses adieux à la scène parisienne, c?est le Zénith qui a été choisi. Je n?aime pas et je crois que je n?aimerai jamais cet austère « hangar » à l?acoustique assez déplorable. Toujours est-il que, en ce dimanche soir, le Zénith est plein à craquer. Le public, composé de connaisseurs et de néophytes, semble tout entier acquis à la cause du mythe avant même qu?une seule note n?ait retentie.
Durant deux heures, BB King et son groupe vont livrer un show parfaitement rôdé, avec les ingrédients habituels, inhérents à ce genre de concert. Premier « défi » pour le Band: faire monter la pression et chauffer la salle en attendant l?arrivée de Lucille et de son propriétaire. Conduit par l?imposant trompettiste et chef d?orchestre James Bolden alias Dr. Boogaloo, les huit musiciens proposent en préambule deux instrumentaux dans lesquels l?orgue Hammond et les cuivres s?illustrent. C?est ce moment que choisit BB King pour faire son entrée en scène, ovationné par les 6 000 spectateurs debout. Premier constat (assez peu surprenant), dès les premières notes : le bonhomme a perdu de sa vélocité. Il faut dire que le « Let The Good Time Roll » lancé à un tempo d?enfer par l?excellent Calep Emphrey Jr à la batterie ne pardonne pas et le légendaire guitariste visiblement peu à l?aise ne traîne pas en longueur. Rusé, BB King use d?autres artifices et finit de se mettre la salle dans la poche en se lançant (trop souvent à mon goût) dans d?interminables plaisanteries et bavardages. Au rayon des boutades, imaginant les articles du lendemain, il conclut par cette remarque : « B.B. King était très bon ce soir mais il a parlé toute la nuit et il n?a pas joué »? Il serait évidemment injuste et inexact de prétendre que cette déclaration est totalement fondée, même si elle n?est pas dénuée de pertinence? Toujours est-il que la musique proposée est plutôt agréable. Le répertoire ne réserve aucune surprise : BB King livre à son public les cultissimes ou standarissimes (c?est selon !) « Thrill Is Gone », Key To The Highway », « Why I Sing The Blues », « Rock Me Baby » ou encore « Blues Man ». La voix est toujours superbe, chaleureuse et puissante. Deux authentiques moments de bonheur se dégagent : « You Are My Sunshine » et l?instrumental « You Know I Love You » sur lesquels BB King excelle. Ce dernier morceau permet de se rendre compte qu?il n?a rien perdu de son légendaire vibrato main droite et restera gravé dans ma mémoire comme un des plus beaux moments musical qu?il m?ait été donné de vivre. Le concert s?achève au bout de deux heures sur « Guess Who ». Laissant le soin à ses musiciens de livrer les dernières mesures, BB King, après près de deux heures de show, quitte la scène sous les vivas du public parisien.
A l?heure de mettre un point final à ces quelques lignes, que dire ? Le show proposé par ce grand maître du blues, sans atteindre des sommets, reste un spectacle de qualité. Sur la route du retour vers les vertes collines normandes, je ne fus gagné par aucune frustration, aucune déception. J?avais et je garde toujours cette impression d?avoir vu un très honorable bonhomme sans doute conscient de ses limites, mais qui a le mérite de ne pas tricher avec son public. Ce n?est déjà pas si mal !
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