| Emergeant des entrailles du Métropolitain, nous remontions l'avenue de la Porte de Clignancourt. La nuit était tombée, nos respirations embuaient l'air froid de cette soirée hivernale. Après avoir longé le marché du plateau avec ses squelettes dépouillés d'étals bien alignés au cordeau et être passés sous le périphérique, nous délaissions l'avenue Michelet et ignorions fièrement la rue des Rosiers pour tourner dans la rue Jacques-Henri Fabre. Le soir, loin de l'agitation des marchés de la journée, l'endroit est plutôt sinistre, sans âme qui vive, quelques ombres se hâtant furtivement vers leurs pénates. Nous avions pénétré dans ce qui fut la cour des miracles, appuyée contre les fortifs nord de Paris, adossée à la barrière de Clignancourt. Dans cette endroit fait d'échoppes disgracieuses entassées les unes contre les autres, avec leur rideaux de fer de fer tagués, le long de ces trottoirs jonchés de détritus divers, flottent les fantômes des biffins, des chiftires, des crocheteurs, des pêcheurs de la lune... Les boutiques fermées des fripiers rappellent que nous arpentons le domaine des anciens chiffonniers. Nous nous glissions enfin dans la rue Jules Vallès, au coeur du royaumes des puciers; deux enseignes lumineuses apparaissaient dans la lumière jaunâtre des lampadaire; laissons la première aux amis de Jean Baptiste Poquelin, seule la deuxième nous intéressait, celle du One Way Café.
Nous délaissions la froide enveloppe vespérale pour pénétrer dans les entrailles chaudes, enfumées, palpitantes de vie de ce café, de ce rade à musique, de ce juke joint dont le coeur palpite aux rythmes syncopés et envoûtants de la musique du diable. Pour l'heure l'endroit était encore calme, rempli d'habitués autour du zinc et des tables. La bise à Christine et à Luc, les officiant du lieu. Au bout du comptoir, pas loin de la scène où trône une batterie rutilante, Boney Fiels discute le bout de gras. Luc saisis sa guitare et Boney sa trompette pour ouvrir les festivités le temps de quelques morceaux. D'autres musiciens investirent la place, au côté de Boney, d'autres encore avec plus ou moins de talent mais avec l'évident plaisir de participer à l'ambiance déjà prometteuse. La porte d'entrée s'ouvrit pour laisser s'engouffrer les musiciens de Boney. Vite fait, j'aperçus le bassiste Mike Armoogum, le guitariste Hervé Samb de "The Bone's Project". Bien sûr, j'oublie des noms, ma mémoire défaillante et prématurément poreuse ne m'étant d'aucun secours. Mais je fais confiance à Luc pour réparer mes oublis.
Dès que tous ces musiciens eurent rejoint la scène et saisis leur instrument, je compris très vite ce que Hiroshima veut signifier: des blues swinguant, des rythm'n blues percutants et des rythmes funky, même un reggae frénétique, "Stir it up", embrasèrent entièrement la salle. La chaleur monta brutalement de plusieurs degrés, les notes commencèrent à courir le long des murs jaunes du One Way, de ramper le long des plinthes noires pour remonter le long des jambes des clients, saisir leur tripes, agiter leurs têtes et leurs membres. Le blues n'était plus seulement un style musicale mais un état d'esprit, un feeling: we had got the blues! Pour une jam session, c'était une jam session et il me fallut quelques bières fraîches pour calmer la température de mon corps ballotté par ces rythmes joyeux. Pour les autres, un whisky de marque réputé, boisson distillé par quelque Belzébuth, fut largement perfusé dans leurs artères; mais la raison dit qu'il ne faut pas en abuser mais en user avec la plus grande modération ( ceci est dit pour ne pas être accusé d'incitation à l'ivresse). Place fut laissée au groupe Jazzpel avec des compositions jazz d'Esaïe Cid, et l'extraordinaire voix d'une jeune femme, à faire pâlir les plus grandes divas noires, Rachel Ratsizafy, vraiment une voix à vous laisser sans...voix.
Cette soirée festive nous a permis d'écouter quelques musiciens amis de Boney Fields: Ron Smith ( the Ron Smith group) et Kevin Diggs (the French revolution) à la guitare, Rasul Siddik (Power trio or quartet) à la trompette, Silvia Howard (que nous avons pu entendre chanter aux côtés de Jean-Jacques Milteau à Maromme)...Peu avant minuit, d'autres musiciens arrivaient encore pour faire le boeuf avec Boney mais un arrêté municipal, dans le souci d'assurer une nuit tranquille aux rats du quartier, mit fin à une soirée bien partie pour durer jusqu'aux confins de la nuit.
Le One Way voit passer un bel échantillon de la fine fleur des musiciens bluesy de Paname, de Navarre et des States. Je ne vous les nommerai pas tous ici, vous retrouverez trace de leurs passages sur le site bichonnée par Christine pour promouvoir son café: http://www.oneway-cafe.com, ou vous pourrez aussi consulter la programmation des concerts.
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