Décidemment, le mois de décembre 2007 aura été riche en bonnes nouvelles du côté de la scène Blues hexagonale ! A quelques jours d?intervalle sont en effet parus le premier album d?Anthony Stelmaszack (chroniqué sur ce même site) et le septième opus d?un homme que l?on ne présente plus, tout à la fois digne héritier de Big Bill Broozy, du Reverend Gary Davis et de Rory Gallagher : Philippe Ménard.
Comme sur un certain nombre de ses disques précédents, sur les seize morceaux que comporte cet album, onze ont été enregistrés chez lui dans la campagne bretonne et quatre sont tirés de différents concerts en France ou à l?étranger (Allemagne et Pays Bas). Parmi ces quatre titres, nous retrouvons trois standards incontournables du répertoire de Philippe (« Telephone Woman », « Smokestack Lightnin? » de Howlin? Wolf et « Baby Please Don?t Go »). Il y a fort à parier que ceux qui seront amenés à écouter cet album ne resteront pas insensibles au magnifique « Criminal » (paru en 2005 sur son précédent opus « I Want An Ac Cobra »), véritable brûlot contre l?administration Bush et ses ravages, dans lequel la colère des mots contraste singulièrement avec la superbe mélodie jouée en DADGAD (accordage celtique). Incontournable clin d??il à Rory Gallagher, le morceau s?achève sur l?intro d? « Out On The Western Plain » de Leadbelly, revisité en son temps par le légendaire guitariste irlandais.
Les onze titres studio mélangent Rock, Blues et Folk. Parmi les moments forts de l?album se dégagent à mon sens « Shanghai Blues » ou encore le très remuant « I?ve Got To Say Yeah ! » qui montre à quel point le bonhomme a le sens du riff. Ajoutez à cela « Turned Ass Hotel », « Waiting Down The Corner » ou encore « Sexy Sexa », et vous comprendrez rapidement que vous tenez là un Philippe Ménard en grande forme. A noter également deux morceaux assez inhabituels dans l?univers ménardien : « Shake Your Thing » et « Still Alive, Still In Love ». Malgré de belles rythmiques funky, et le travail évident sur les arrangements, l?emploi d?une boîte à rythme m?a laissé quelque peu dubitatif : je dois l?avouer, au risque de paraître quelque peu conservateur, j?ai été moins convaincu par ces deux pistes? A la première succède une composition aux forts accents hendrixiens (« Wild Cats Pawns ») et à la deuxième ce qui est pour moi le grand moment de l?album : le somptueux « Athen Is Burning ». Quatre minutes et quelques de pur bonheur : une intro magnifique, des paroles dylaniennes sur la démocratie en péril (c?est plus que jamais d?actualité !). Assurément, un morceau à ranger dans le Panthéon (pour rester dans la métaphore hellénique) des plus belles compositions folk de Philippe aux côtés des « The Day The Gang Of Ten Was Nine » et autres « Criminal » cité précédemment.
Au terme des quelques soixante minutes que dure cet album, on ressort une nouvelle fois conquis, impatient de voir débarquer près de chez soi ce Dr Isaiah Ross des temps modernes pour l?entendre nous distiller jusqu?au bout de la nuit ses mélodies et ses textes qui mêlent humour et profondeur : « I?ve got to say yeah ! ».