C?est avec beaucoup de plaisir que comme chaque année, je fais le court déplacement entre Rouen et Le Havre pour assister au Festival Blues à Gogo. Par le passé je m?offrais 2 ou 3 dates et j?y allais souvent seul ? Aujourd?hui j?ai la chance de couvrir la 8eme édition et d?être accompagné pour l?ouverture par mes habituels potes de L?Oreille Bleue, Pascal et Didier, et mon ami Christian Rock?
Samedi 12 Octobre 2002
Pour débuter en ce samedi 12 Octobre, soirée inaugurale à l?Agora, placée sous le charme féminin de la jolie Yougoslave Ana Popovic et de la pétulante Britannique Connie Lush devant une affluence plus que respectable?
En ce qui concerne la première, j?ai eu quelques difficultés à entrer dans l?univers musical de cette talentueuse guitariste d?à peine 25 ans. Entouré par 3 musiciens (basse, batterie, claviers), elle propose un jeu de guitare fortement influencé par Jimi Hendrix et consorts ou l?utilisation presque systématique d?effets en tous genres désert la musicalité. Son chant rappelle parfois Kate Bush ou Chryssie Hynde pour nourrir un registre Blues-Rock bon teint sans grande originalité. Ana Popovic sait pourtant partager sa passion en offrant son instrument fétiche à qui le veut dans le public? Deux amateurs profiteront de l?aubaine pour prendre part à la fête pour un beau moment de complicité. La demoiselle n?est qu?au début de sa carrière, son évolution sera certainement intéressante à suivre?
En revanche dés l?arrivée de la seconde, un long frisson parcourait mon corps de bas en haut (hummm !) en souvenir de la prestation de la dame, cet été, à Cahors? La qualité vocale naturelle de Connie Lush créée l?émotion dés qu?elle entonne les premiers couplets de ses chansons. Avec un répertoire aussi multiple que varié entre Boogie, classiques Blues, Ballades et Rhythm and Blues, Miss Lush est bien accompagnée par un trio chevronné, rodé et homogène identique à celui déjà vu dans le Lot, The Blues Shouter. La cohésion constante de l?ensemble alimenté par la générosité, la gouaille, la sensualité dégagée par Connie, renforce ce sentiment de bien être? En ce qui me concerne j?ai attrapé la chair de poule et j?ai les poils qui sont restés hérissé pendant toute la durée du concert ! ! ! Sympathiques prémices d?une fameuse semaine tout entière consacrée à cette musique qui nous fait tant vibrer?
Dimanche 13 Octobre 2002
En ce dimanche pluvieux et venteux (+ de 100 km/h ?) d?octobre, dés 15 heures, la chaleur communicative de l'American Gospel Connection apporta son lot de spiritualité en enflammant un Théâtre de l?Hôtel de Ville bondé et rapidement sous le charme. 7 choristes accompagnés par un groupe au grand complet (basse, guitare, batterie, clavier et piano) revisitent le répertoire Negro-Spirituals et Gospels dans un judicieux mélange entre modernité et tradition, joliment teinté de douces couleurs Soûl? Cette formation dégage de l?émotion, transmets sa ferveur et n?engendre pas la mélancolie entre chaque titres, évitant ainsi l?abondance de sermons et de prêches (inutiles ?) pour mieux subjuguer l?auditoire ! ! !
Le public se lève, frappe dans ses mains, danse et chavire? J?ai été volontiers réceptif à ses 2 heures d?une musique que je ressens au plus profond de moi sans réellement savoir pourquoi, j?ai soigné mes blessures, purifié mon âme (si,si) et je suis sorti tout simplement heureux ! Je trouve tout à fait légitime qu?un festival de Blues propose au moins un programme étiqueté Gospel et je ne peux que féliciter les organisateurs du Blues à Gogo de le faire tous les ans?
Pour clôturer ce "Jour du Seigneur", je file jusqu?au Camp Gourou, bar décoré tout en bois, chaleureux et dépaysant, pour écouter Pockett Orchestra. Duo désopilant composé de Dominique Robert à l?Orgue de Barbarie et à la Viole( !), et d?Isabelle Lallart à la Planche à Laver et à diverses percus? Avec un étonnant registre entre Chansons, Ragtime, Jazz, Boogie et Blues au sens le plus large du terme? J?ai bien apprécié le voyage proposé par cette "orchestre de poche", qui au-delà des frontières musicales, fait (re)vivre avec humour, passion et talent, le répertoire de gens aussi divers et varié que Serge Gainsbourg, Henri Salvador, Richard Gotainer, Nino Ferrer (j?adore !) et celui qui a tant influencé mon parcours depuis 15 ans, Bill Deraime? Un dimanche après midi ou joie de vivre et bonne humeur furent les éléments essentiels de l?ensemble des intervenants.
Mardi 15 Octobre
Pour cette 3eme journée de Festival, l?animation à l?Agora de la soirée (gratuite !) était assurée par des groupes de la région : Burning Mountain, Partners in Crime, Back to Soul. Trois formations dont je ne connaissais pas l?existence. Pour chauffer l?assistance, les 5 compères de Burning Mountain proposèrent un programme de classiques de grosses pointures tel, Robben Ford, SRV, Tab Benoit et Gary Moore (Aie !) la cohésion entre basse, guitare, batterie, chant, bien soutenue par un clavier, renforça la musicalité de l?ensemble pour finalement se laisser écouter? Partners in Crime (1 chanteuse, 2 guitaristes, 1 bassiste, 1 batteur) pris le relais pour jouer entre reprises et compos, plus proche du Rock?n?Roll que du Blues, une musique qui ne m?a pas véritablement accroché? Pour continuer, le Big Band Back to Soul, nous prouva que le Rhythm and Blues était bien vivant en Normandie ! A l?instar par le passé de Ligne de Soul, ou aujourd?hui, Soulmen à Caen et Platynum Platypus à Rouen, B.T.S. enflamma le café-musiques avec sa Soul Music haletante et festive. Autour d?une chanteuse bien connue des scènes rouennaises, qui a sévit dans Scopiton et Oxo, pas moins de 10 musiciens et choristes rendent ces lettres de noblesse à un style indémodable et toujours dans l?air du temps. Le chaleureux répertoire composé de grands standards, des Blues Brothers à Tina Turner, d?Otis Redding à Aretha Franklin ou la présence d?une puissante section de cuivres (2 saxos, 1 trombone, 1 trompette) aux arrangements bien en place, fut indispensable à la réussite du band. L?assemblée visiblement comblée par la chaude ambiance, chavira et en redemanda en se laissant happé par la musique. Joyeuse initiative des organisateurs qui permis à des groupes normands de prendre part à la fête dans de biens bonnes conditions devant un public réceptif et attentif !
Mercredi 16 Octobre
Dés 12h30, je prends la direction de Caucriauville et plus exactement de l?I.U.T ou Awek donne sa première prestation de la journée, la petite heure passée avec le trio toulousain me fait saliver et m?ouvre l?appétit? Pas le temps de se restaurer, je rejoins le lycée Jules Siegfrid ou les Hoodoomen s?activent avec brio. Plus je les vois, plus je les trouve un p?tit peu meilleur à chaque concert? Jusqu?où iront-ils ? Dans l?immédiat, c?est le forum FNAC qui les attend, pour un Show-Case de présentation de leur galette en écoute et en vente dans le magasin? Deux des meilleurs groupes de la scène Blues française pour agrémenter l?après-midi m?amène doucement jusqu?au début de soirée ou François Hadji-Lazaro est au programme. J?entends déjà la fronde des puristes se prendre la tête sur le bien-fondé de la présence de la figure de proue des Garçons bouchers dans un festival de Blues ? ! ? ! Opportunité d?une tournée ? Volonté personnelle du programmateur ? Peu importe ! François raconte ses histoires plus noires que noires entre Folk et Rock. Au-delà du registre musical, Liberté, Joie, Souffrance, Humeur, Tristesse, Sensibilité, Emotion, autant de sentiments dans l?esprit du Blues qui transpirent dans le répertoire néoréaliste du chantre du label "Boucherie Productions"?
Pas le temps de souffler, je file "rue de la soif" au Black Horse, bar de poche chaleureux et surchauffé, pour la remise du couvert d?Awek en "live". Power Trio (basse,guitare,batterie) de haute volée, Awek, propose un répertoire original et inventif, constitué principalement de compositions. Autour de Bernard Sellam guitariste-chanteur dont les rictus et les élans illuminent le jeu de baguettes d?Olivier Trebel (hyper) bondissant et réactif à la rythmique sans faille de Joël Ferron à la basse. La richesse de cette formation se retrouve dans ses influences aussi diverses qu?intéressantes, ou la Country, la Soul, le Rhythm and Blues embellissent l?esprit Blues-Rock. Awek reste stylé, homogéne et bourré d?énergie dans la lignée des tous meilleurs groupe hexagonaux et au delà? la soirée se clôtura par un b?uf, ou la batterie allait être l?élément central de l?échange? Francis Marie des Hoodoomen, Eric Thiévon (animateur d?un atelier batterie), JP du groupe de Hadji-Lazaro et une talentueuse jeune femme Fatima décalaminèrent avec inspiration et fougue, cette musique qui nous transportent souvent dans des contrées inattendues? The Blues is not Dead ! ! !
Jeudi 17 Octobre
Pour entamer ce 4eme jour, il faut souligner l?excellente initiative des organisateurs de porter la note bleue, dans des lieux aussi fermé que l?hôpital psychiatrique et la maison d?arrêt, Awek et les Hoodoomen étant au c?ur de cette expérience qui ne doit pas laisser insensible?
Contraste et enchaînement difficile avec la prestation du tromboniste Fred Wesley et sa formidable machine à danser qui s?adonne à l?excellence et au perfectionnisme. Le 1er morceau affiche les ambitions de chacun, pendant une bonne quinzaine de minutes, chaque intervenant mitonne de généreux solos en guise de présentation ! Hallucinant ! ! Les 7 musiciens s?expriment dans un style plus proche du Jazz pour tout doucement glisser vers la musique du "Godfather of Soul", Mister Jaaaaaaames Brooooooown ! Le mécanisme est bien huilé, pas de ratage à l?allumage, la combustion est maximale, la carburation optimale, prêt pour le décollage? L?esprit de la "Motown" des années 70 se dégage, le nombreux public se laisse emporter par une vague déferlante de décibels et de rythmes endiablés ! L?Agora s?embrase, brille de torrides couleurs en état d?ébullition permanente? Move Your Body !
Pour se remettre, je passe au "Master Class" de batterie animé par Eric Thiévon, batteur professionnel de renom. Au-delà des références techniques en osmose avec le Festival de Blues, Eric communique sa passion avec pédagogie et ouverture d?esprit. La méthode est simple, il conseille d?écouter un maximum de styles de musiques différents, pour piquer des plans çà et là, et ainsi progresser et s?enrichir. c?est le principe même du métissage, élément essentiel pour éclairer la musique de l?intérieur?
S?il y a un groupe qui resplendit de mille feux, c?est bien, les Hoodoomen et leur West Coast Swing Millésimé. Le bar "Sticky Fingers" s?en souviendra. Pour l?occasion les 4 compères au célèbres pompes bicolores sont renforcés sur quelques titres par l?accordéoniste Alain Chapelain, apportant de belles touches Louisianaises à l?affaire. Francis Marie mène le bal, se lève, gesticule, suivi par le reste du combo pour emmener tout ce joli monde sur des territoires marécageux. Bernard Marie à la basse, a l?aise comme un alligator dans le bayou, transporte le chant à la fois limpide et rocailleux d?un Philippe Briére au souffle posé sur son harmonica. Mais pour que la sauce ait du goût, il faut le tour de main d?un chef. Le phénoménal Pascal Fouquet à la guitare, apporte sa part d?inventivité en s?affirmant comme soliste tout proche de la perfection ! L?assemblée est conquise, la gent féminine est sous le charme? Le traditionnel b?uf apporta son lot de sensations, Arthur Nielson, guitariste de Shemekia Copeland, Eric Thiévon et le batteur de la chanteuse noire américaine posèrent l?estocade finale d?une folle soirée enjouée et torride.
Vendredi 18 Octobre
The last ! Eh, oui ! Tout a une fin, pour clôturer ce 8eme Festival de Blues du Havre à l?affiche Shemekia Copeland et pour chauffer l?ambiance, Fruteland Jackson. En guise d?amuse-gueules, j?assiste à la balance de la chanteuse noire-américaine et de son band, dans l?après midi, pour me faire une idée de ce qui nous attends . Je file jusqu?au restaurant-spectacle, le Crocus, pour saluer le jeune groupe Caennais, Spoonful, en pleine mise en place. Comme pour la soirée inaugurale, mes deux compères de L?Oreille Bleue, Pascal et Didier, et mon ami Christian Rock montent jusqu?au Théâtre de l?Hôtel de Ville pour finir en beauté. En ouverture, Fruteland Jackson distille un excellent moment d?authenticité, en jouant en solo de la guitare acoustique, du dobro, de l?harmonica et des cordes vocales. Son répertoire s?inspire du Blues des racines et fusionne avec le Folk et le Gospel, pour proposer d?originales et de séduisantes compositions. L?assistance est réceptive et accepte l?invitation au voyage? Idéale préparation pour le concert de la fille de Johnny Copeland. Du haut de ces 23 ans, Shemekia porte en elle, l?avenir de cette musique qui nous fait chavirer. Dés les premiers morceaux, la présence et les qualités vocales naturelles de la demoiselle s?affirment. Entourée d?une formation cohérente, en particulier le guitariste Arthur Neilson (qui a jammer la veille avec les Hoodoomen), Shemekia exprime son talent dans un répertoire ancré dans le Blues et le Rhythm and Blues. Le public est conquis, surtout quand celle qui n?est pas sans rappeler, Koko Taylor, s?en va prêcher la bonne parole a cappella en chantant au quatre coins de la salle ! Une conclusion en forme d?apothéose à l?image d?une folle semaine "bluesie" ou toutes les nuances se sont manifestées.
Une 8eme édition qui comme chaque année, déverse son flot de notes bleues dans toute la cité havraise. Salles de concert, théâtres, bars, fac, lycée, hôpital, maison d?arrêt et rues, aucun endroit n?est laissé à l?écart. Si le festival est bien sur musical, expos, arts graphiques et lectures s?inscrivent dans la suite logique d?animations autour du Blues? La nombreuse fréquentation du public dans chaque lieux investis en est la meilleure réponse. Au-delà d?une programmation riche et variée, je tiens à féliciter l?association Coup d?Bleu et sa formidable équipe de bénévoles qui, sous la houlette de sa présidente Anne Marie Prouteau et d?Olivier Renault (le programmateur au grand c?ur), assure avec compétence, dynamisme, gentillesse et passion, la pérennité de cet événement annuel incontournable. Je n?oublie pas à l?Agora, les personnels administratifs, les techniciens et les barmans, souriants et disponibles qui apportent leurs pierres à l?édifice? Un grand merci à tous ! Keep Blues Alive !