Le 15 juillet 2003 Ca chauffe déjà !!!!!
Après un agréable voyage de sept bonnes heures en Lobmobile climatisée, nous atteignons enfin la destination de la première étape des rendez-vous incontournables estivaux, Cahors et la 22éme édition de son Festival de Blues. Je rejoins avec beaucoup de plaisir la cité lotoise accompagné cette année, par Pascal, Marius et Mimi Gaudray de la Traverse. Au-delà du choc thermique ressentie dés notre arrivée, le thermomètre dépassant largement les 35°, c?est la satisfaction d?être là et de retrouver tous les acteurs du milieu Blues pour vivre des moments privilégiés qui resteront, faut l?espérer, longtemps graver dans nos esprits? Rapidement mis dans la bain par les interviews successives des deux affiches du soir, Egidio "Juke" Ingala et Duke Robillard, nous rejoignons l?espace Valentré où la scène à trouver refuge, en raison des risques d?orage, de cette première soirée. Cela fait pratiquement une année que j?ai assisté pour la dernière fois à une prestation scénique de l?une des pointures du Blues West Coast en Europe? Ils allaient, l?Italien Egidio "Juke" Ingala et ses musiciens, confirmer aisément leur position avantageuse?
Dans leur style caractéristique, la machine se mets tranquillement en route pour nous transporter entre Swing, Jump et Rock?n?roll? Fort d?une assise rythmique basse batterie sérieuse, Egidio distribue de ses harmonicas des interventions salvatrices où la guitare aérienne et dansante d?Alberto "Blue Eyes" Colombo s?active avec goût et pertinence.
L?assistance nombreuse et réceptive terminera debout en frappant dans ses mains, pour une confirmation unanime d?une salle conquise par la performance proposée. Un apéritif qui ressemble plus à un plat de résistance tant l?alchimie entre chaque intervenants est certaine.
Le dessert et le champagne nous sera servi par un Duke Robillard, élégant et fidèle à lui-même? Après avoir mis sur orbite Roomful of Blues dans les années 70 et participer à l?émergence de nombreux groupes, Duke, guitariste talentueux et chanteur émérite, fait une carrière solo, remarquée autant sur le vieux continent que de l?autre coté de l?atlantique. Toujours entouré d?excellents musiciens, il puise son inspiration entre Blues, Swing et Rhythm 'n' Blues à forte coloration Jazzie pour repousser encore plus loin les frontières du genre. Soutenu par les saxophone Ténor et Baryton de Doug James, virevoltant de toute part, le clavier enlevée de Matt Mc Cabe, la contrebasse stimulante de Jesse Williams et la batterie débridée de Mark Teixeira, autant d?éléments qui placent la prestation de l?américain dans le haut du pavée du Blues mondial? Une entrée en matière plus que satisfaisante.
Pas de répit, direction les Docks, où les Bandits Mancho anime la fin de soirée avec leur Swing qui nous plonge en plein c?ur des années 40/50? De nombreux musiciens prendront place ensuite pour un sympathique b?uf de fin de soirée, parmi lesquels, Thomas Troussier à l'harmo, Miguel M au chant, Fred Chapellier et Fred Souche aux guitares, Pat Machenaud et même Marius Leniére "A-nous-qu?on-a" aux baguettes pour partager des minutes intenses d?une rare complicité?
Du bonheur palpable pour tout le monde, autant sur scène qu?en dehors !
Le 16 juillet 2003 Le mélange des genres s?invite sur le Boulevard?
Après avoir été réveillé en douceur par les décibels du Fred Chapellier Blues Band qui jouait au pied de notre hôtel sur la place de marché, Philippe Ménard, investit, en milieu d?après midi, la scène acoustique pour distribuer, comme il sait si bien le faire, entre Blues Roots et Boogie, des instants magiques communicatifs. Guitare acoustique et électrique, grosse caisse et percussions «maison», harmonica et chant, sont la panacée de ce véritable «One Man Band» du Blues? Toujours très impressionnant. Sur la scène «Découverte», les Australiens de Red Rivers et du Britannique Aynsley Lister se proposaient aux suffrages. Les premiers, dans un format, basse, batterie, guitare-chant, pedal steel guitar m?ont laissé de marbre, la forte influence Country y étant certainement pour beaucoup. Le second, en «Power Trio», délibérément tourner vers le Rock à la limite du Hard, ne m?a pas plus sensibilisé, mais je suis curieux de le découvrir en version acoustique?
Pour agrémenter la soirée, comme l?année passée, la rue s?ouvre au Blues, en installant boulevard Gambetta, en plein c?ur de la ville, 8 formations françaises qui s?activent sur le pavé? Bingo ! Que des points gagnants? Entre confirmation pour les uns et belle découverte pour les autres, la scène «Blues» hexagonale confirme sa vitalité et sa diversité. Que ce soit, le Jump soyeux des Bluetones ou le Blues New Orléans de Mudzilla, le Pub Rock furieux des Double Stone Washed ou le Blues moderne de Xavier Pillac, tous ont démontré des qualités indéniables, déjà pressentie lors de l?écoute de leurs disques. Je me suis, cependant, plus attardé sur les groupes qui m?étaient inconnus, les Old Bluesters et les Hot Chickens ont particulièrement attiré mon attention? La présence de l?ancien guitariste de Doo the Doo, Zeb Heintz, en remplacement du clavier au sein des Old Bluesters, m?avait mis la puce à l?oreille, je n?allais pas être déçu et même complètement séduit. Dans un répertoire Blues électrique contemporain, les 5 compères s?activent avec talent et générosité, pour mieux restituer un répertoire maîtrisé sur le bout des doigts? Du travail d?orfèvre ! Changement de registre avec les Hot Chickens qui illumine toutes les musiques des années 50, Rockabilly, Skiffle, Country, Jump, Rock?n?roll, en apportant leur grain de folie et leur énergie décuplée. Une pêche incroyable, un humour décapant, une prestance décoiffante, pour ce trio (contrebasse chant, guitare, batterie minimaliste) qui décalamine les frontières du genre et s?épanchent dans une espèce de «Punkabilly» déjantée et délirant. A découvrir d?urgence ! Je n?oublie pas les quelques minutes passées devant Red Benoit, ses inspirations Cajun et Zydeco, qui fleurent bon la Louisiane, en revanche pour le groupe Blues and Trouble, je me rattraperai la prochaine fois? Comme l?année dernière, le Boulevard du Blues nous permets de découvrir d?excellents groupes français, en se présentant en vitrine du genre? rutilante et savoureuse ! Tous ce beau p?tit monde s?est retrouvé aux Docks pour prolonger la fête, où comme la vielle les Bandits Mancho swinguait de toute part avant la jam session de fin de soirée?
Le 17 juillet 2003 Du Blues entre synthèse et fusion?
Après sa prestation, la vielle, en trio, Aynsley Lister, revenait en milieu d?après midi, en solo, pour proposer un répertoire, de standards du Blues revisité avec réel talent et grande maîtrise. S?accompagnant à la guitare en alimentant le tempo avec son pied, il fut convaincant d?un bout à l?autre de son set? Un crochet par le boulevard Gambeta en marge du quel jouaient les Bluetones. Une boisson fraiche, quelques notes de Jump, une touche de Rock'n'Roll et deux brouettes d'énergie étaient la recette du jour pour l'apéritif. Le public était ravis et les musiciens aussi.
Au théâtre de verdure se profilait, la montée sur scène de la belle yougoslave, Ana Popovic et du guitariste américain Bernard Allison.
Dans un registre Blues Rock plus proche d?une fusion de différents styles en repoussant un peu plus loin les limites du genre, Ana Popovic façonne sa propre musique résolument actuelle et contemporaine.
Entouré de musiciens acquis à sa cause, sa performance a séduit le nombreux public présent mais a pu aussi déconcerter certains amateurs de Blues? Une question de sensibilité?
Bernard Allison, quant à lui, a confirmé sa synthèse entre Blues électrique, Blues Rock et Funk, pour une prestation de très haut niveau. Une section rythmique fabuleuse, basse batterie, sur laquelle il fait bon se reposer, un pianiste funambule qui distribue des nappes successives et des échanges de phrasés énergiques avec la guitare de Bernard pour deux heures de show très professionnel. L?assistance est conquise et en redemande? Un succès bien mérité?
Pour continuer la fête, direction Les Docks où les Old Bluesters allaient confirmer aisément leurs qualités découvertes la vielle? Une formation sans faiblesse, où chaque musicien donne le meilleur de lui-même, pour restituer un Blues torride et captivant? Une révélation.
C?est Philippe Ménard qui ouvrait les hostilités du B?uf avec un bel hommage à Rory Gallagher. Beaucoup d?autres musiciens viendront échanger quelques notes, les guitaristes Aynsley Lister, Fred Chappellier, Damien Lopez, le batteur Pat Machenaud, les chanteurs Stéphane Bak et Eric Liagre et le bassiste déjanté des Hot Chickens? Un cocktail explosif pour une fin de soirée détonante?
Le 18 juillet 2003 French Connection is allright?
Dés 17 heures, le théâtre de verdure, embrasé par un soleil de plomb, accueillait la deuxième soirée de «Scène Découverte» avec les Français de Malted Milk et les Hollandais de Cuban Heels. Dans un répertoire très Chicago Blues, les quatre Nantais de Malted Milk s?affirment avec finesse et vigueur, en nageant avec bonheur dans leur élément. Une formation qui se positionne dans le gratin des groupes hexagonaux et perpétue un style traditionnel nourri de quelques pointes bienvenues de Swing. Un quatuor, sans faille, où les envolées guitaristiques et le chant sensuel d?Arnaud Fradin s?harmonisent avec la dextérité et la souplesse de l?harmonica de Manu Frangeul, reposant sur la basse de Sylvain Daniel, soudée à la batterie aérienne de Michel Catel. Une satisfaction unanime.
Changement complet de registre avec les Bataves de Cuban Heels. Distillant un Blues Boogie, bien gras, à l?énergie débordante, alimenté par du Blues Rock et du Rock Garage, ils distribuent du punch à revendre et de la sueur à écouler, pour un savoureux moment de Blues électrique, sans fioriture. Une vision bien séduisante?
Comme il y a deux jours, les groupes s?installent en pleine rue pour présenter leurs musiques devant une foule énorme.
Pour démarrer, les Champenois du Fred Chapellier Blues Band retiennent l?attention. Alternant, classiques du genre et compos en français, les quatre compères attestent de qualités certaines. Tout d?abord, une structure rythmique façonnée avec brio affiché et complicité évidente par Abderr Bénachour à la basse et Patrick Machenaud à la batterie dans laquelle le jeu de guitare, au toucher tout en respiration et le chant racé de Fred Chapellier s?installe tranquillement. Le jeune pianiste de 19 ans, Damien Cornelis a assuré derrière son clavier en démontrant une technique déjà bien aboutit. Une affaire rondement menée?
Un peu plus loin, l?écoute prolongée des Landais de Double Stone Washed donne des fourmis dans les jambes. Fort d?influences piochées en Grande-Bretagne, les quatre potes proposent un Pub Rock du meilleur effet. Les similitudes avec Dr Feelgood ou Eddie and the Hot Rods ne sont pas fortuites, bien au contraire et la comparaison, tout a fait, acceptable et logique. Un caractère prononcé se dégage de leur prestation où l?état d?esprit et la hargne peuvent se résumer dans leur cocktail favori : 2/3 de vin rouge (plutôt bon et du Sud Ouest), 1/3 de Bas Armagnac et 1 gousse d?ail? Un truc qui arrache et vous remue le sang? Rock?n?roll !!!
Un retour obligé vers le Rock?a?billy plein de bonne humeur des Hot Chickens, une oreille attentive au Jump trépidant des Bluetones, un clin d??il malicieux pour le Blues New Orléans métissé de Mudzilla et tous les autres sur qui nous n?avons pu nous attarder, démontrent une vitalité flagrante d?une scène Blues française au meilleure de sa forme.
Le trio Octave Blues Band se présente aux Docks pour la fin de soirée habituelle où tous les musiciens se retrouvent pour «jammer» avec la même passion et un seul but, la partager avec les autres?
Le 19 juillet 2003 The last but not least
Le Blues acoustique est à l?honneur de ce début de dernière journée, en fin de matinée avec Don Croissant, dans l?après midi avec Philippe Ménard (déjà vu en début de semaine) et Cisco Herzhaft, dont j?ai pu assister à la performance.
Guitariste, hors pair, adepte du jeu en «Finger Pickin», Cisco Herzhaft fait le tour de la question en s?immisçant en profondeur dans le Blues des origines, entre Delta et Boogie, accompagné de Bernard Brimeur à la contrebasse, au jeu de «slap» du meilleur effet. Un savoureux moment de Blues intimiste?
Après le repas Louisianais, les intermittents du spectacle prennent possession de la scène du théâtre de verdure, pour informer sur leurs revendications et leurs craintes légitimes d?un avenir précaire et incertain. S?il en est un qui soutient cette action, c?est bien Little Bob. Rocker au grand c?ur, le Havrais Robert Piazza alias Little Bob, bourlingue, depuis plus de 40 ans, dans de nombreuses contrées avec pour message, humanisme et liberté? Invitant un harmoniciste, Dominique Floch à partager la scène et dédicaçant une chanson en mémoire de Dominique Laboubée, figure emblématique des Dogs disparut à la fin de l?année passée, Ti?Bob reste fidéle à lui-même? Au-delà d?un format musical très «Border Line», sa prestation, entourée de musiciens (hauts normands) talentueux, s?est révélée entière et généreuse.
Retour à la plus pure tradition du Chicago Blues avec la formation Mississippi Heat et son leader harmoniciste belge, installé aux Etats-Unis depuis pas mal d?années, Pierre Lacocque. Celui-ci démontre sa virtuosité au ruine babines et concocte un chant puissant et dense. Son compatriote, Renaud Patigny, au piano et à l?orgue, est un formidable pianiste bondissant et trépidant notamment sur les morceaux Boogie Woogie qui ont transformé l?espace Caviole en piste de danse? Inoubliable moment. Le reste de la formation n?est pas en reste, la chanteuse Inetta Visor impose le respect avec sa voix chaude et sensuelle, le guitariste Steve Loyle distribue chorus et solos bienvenus. Stephen Howard à la basse et Kenny «Beeby Eyes» Smith (fils de légendaire Willie Smith, présent dans quelques jours à Cognac) prouvent leur belle complicité? Des frissons à profusion et de l?émotion à revendre?
Tomber de rideau mais pas tout à fait puisque Mudzilla chauffe les Docks, rapidement enflammé par une Jam Session d?exception? La rencontre entre les musiciens de Mississippi Heat et une ribambelle de musiciens Français, allait s?affirmer comme la meilleure de la semaine avec comme apothéose un délire pianistique à quatre mains entre Renaud Patigny et Vincent Pollet Villard (de Mudzilla)? Un véritable feu d?artifices multicolores !
Une cuvée 2003 réussie, avec toujours autant de concerts gratuits, des soirées payantes copieusement fréquentées, une programmation, diverse et variée, sans barrages aux styles, au-delà des frontières du genre?
Je tiens à remercier, vivement, Bernard Viguié, le président du Festival, Jean-Philippe Kauffmann, le directeur artistique, Michéle Garet, l?attachée de presse, les techniciens et les 120 bénévoles, essentiels et indispensables, au bon déroulement d?un tel événement? Chapeau bas, Mesdames, Messieurs?
J?adresse un clin d??il sincère à toutes les personnes rencontrées, musiciens, managers, les amis des médias, des festivals hexagonaux, les professionnels de tout poil avec qui j?ai partagé ces moments privilégiés...