En ouverture du Festival Blues sur Seine en Pays Mantois, la Taverne de Meulan, au beau décor marin et à la nourriture typiquement réunionnaise, accueillait dans le cadre de la programmation gratuite des «Bars en Seine», le guitariste chanteur Belge Elmore D. Je conservais un excellent souvenir de ses prestations scéniques à Cognac en 2002 et je m?en serais voulu de louper sa venue à moins de soixante minutes de voiture de Rouen? Je n?allais vraiment pas le regretter !
L'affaire pris son envol peut après 21h30 pour ne se poser que sur le coup des 1 heure du mat?, en proposant un savoureux et généreux voyage de deux longs sets, riche en émotions palpables et en instants partagés. Si Elmore D maîtrise avec finesse et doigté, sa collection (pas moins de quatre, ce soir là !) de guitares Stella à 12 cordes et sa splendide National à résonateur, s?il s?exprime avec un chant puissant et racé, autant en Anglais qu?en Patois Wallon, il faut bien reconnaître, également, qu?il sait particulièrement bien s?entourer. A commencer, par la confirmation du talent de son compatriote Lazy Horse, à la technique aboutie, adepte de l?harmonica et principalement équipé de divers et somptueux instruments à cordes (une mandoline, cinq guitares électriques dont un rarissime Dobro électrifié), complice à l?unisson depuis longtemps du Blues enraciné et profond d?Elmore D.
Le Français Vincent Talpaert, sévissant habituellement au sein du groupe Bo Weavil, assura, derrière ses fûts, un jeu de baguettes à la fois, dépouillé et sobre, précis et débridé, et le pianiste Allemand Hein Koop au clavier, que je découvrais pour la première fois, distribua des interventions bienvenues et nécessaires, l?un et l?autre, en adéquation, avec la sensibilité de leurs partenaires.
Par rapport à l?été 2002, la formation présentée, ce vendredi, a évolué mais la sensation de bien être reste, comme une marque, imprégnée et indélébile. A l?arrivée, j?ai le sentiment d?avoir vécut un moment exceptionnel, en compagnie de musiciens parmi les meilleurs en Europe, dans un registre de reprises et de compositions puisées au coeur du Blues Rural des années 30, du Rock?n?Roll des années 40 et du Rhythm and Blues des fifties?
Une réussite d?ensemble remarquée et remarquable qui m?a laissé sonné, abasourdit et tout simplement, heureux. Ce ne sont pas, mes potes Lolo K et Christian Rock qui m?accompagnaient dans les Yvelines, qui me contrediront?
Elmore D
Lucky Jean Luc
Photos : Christian Rock
09-11-2003
Mighty Mo Rodgers
Voici venu le mois de novembre, les premiers brouillards de l?automne et la finale attendue du Tremplin de Blues sur Seine, devenue aujourd?hui une véritable institution où la famille Bluesie, dans toutes ses composantes, se retrouve du coté de Mantes avec un certain plaisir. Un concours particulièrement bien doté, avec pas moins de 8 récompenses différentes, des deux catégories représentées, électrique ou acoustique, des prix du Festival de Cognac, de Cahors et de nos cousins du FestiBlues de Montréal sans oublier le prix de la Sacem et celui de la Fondation de la Poste pour les meilleurs textes en français. Sur les 75 candidatures reçues, les 8 formations retenues ont démontré une qualité, une vitalité et une diversité propres à pérenniser la musique qui nous fait vibrer. Devant un jury conséquent, attentif et passionné, chaque postulant disposa d?une bonne vingtaine de minutes pour séduire et convaincre. En voici, quelques échos chronologiques?
Avant que les formations ne passent sur le grill, Mighty Mo Rodgers, le président d?honneur du Festival, nous gratifia d?une chanson, spécialement composée pour l?occasion, en s?accompagnant au piano, intitulée sobrement Blues sur Seine. Une agréable entrée en matière.
Il revient le privilège, jamais facile, aux Nordistes des Harp Sliders d?ouvrir le bal. Un groupe inter génération, amputée de son harmoniciste, qui allait démontrer de réelles possibilités dans un format guitare chant, batterie-washboard, basse acoustique d?une certaine originalité s?inspirant avec brio du Blues d?Avant Guerre.
Ce fut au tour du Marseillais Djamel Deblouze de déverser son Blues identitaire, bouillonnant et charnel, anti-raciste et anti-facho. Des adaptations et des compositions griffées de textes en français au vocabulaire calibré qui ne font pas dans la demi-mesure emprunts d?une réalité manifeste, d?humour ravageur et d?une poésie sous jacente, de mots simples et d?histoires vécues. Entouré de cinq musiciens (2 guitaristes, un batteur, un bassiste, un saxophoniste) acquis à sa cause, Djamel se positionne en formidable showman, au chant travaillé et sensuel même si son jeu d?harmonica est plus démonstratif qu?impressionnant? Une vingtaine d?années après avoir découvert Bill Deraime, je m?abreuve avec délectation des chansons de ce nouvel artiste, unique, drôle, rebelle et politiquement incorrect (comme ils disent à la téloche). Affaire à suivre de prés?
Le quatuor Parisien Big Brazos, dont j?apprécie la démo sortie il y a quelques mois, proposa son répertoire acoustique en anglais de Country Blues du meilleur effet. Composé d?excellents musiciens (deux guitaristes, un bassiste, un harmoniciste), c?est la complémentarité des quatre voix qui se fait remarquer dés les premiers accords, une osmose bien agréable et joliment touchante.
Les Bas-Normands du Anquetil Blues Band ont confirmé les bonnes impressions ressenties à l?écoute de leur galette Dead Time. Un registre classique de Chicago Blues assimilé et digéré par les cinq éléments (deux guitares, basse, batterie, clavier) du band, qui permets à Thierry Anquetil, depuis une bonne vingtaine d?années, de continuer à jouer et à chanter, un Blues électrique, énergique et puissant sans concession à quelques modes actuelles. Une valeur sure.
Les locaux du duo acoustique Stringers in the Night charmèrent public et jury avec leur répertoire de compositions en français de Blues Folk. Totalement inconnu de la plupart d?entre nous, ils s?octroyèrent un succès mérité et unanime, tant la cohésion entre les deux guitaristes, Arnaud Vandevoorde, auteur de tous les textes et compositeur sur un titre, et Gérard Chaumarel, chanteur et compositeur, apporta une fraîcheur sincère et un élan communicatif. Sans aucun doute, l?une des plus belles révélations de l?année?
Les Banlieusards de la Seine-Saint-Denis, dont les plus parisiens de la presse spécialisée font l?éloge, j?ai nommé Little Big Band, secouèrent, si l?en était besoin, le Centre d?Action Culturelle. Un chanteur charismatique et six musiciens (ré)unis (guitare, contrebasse, batterie, clavier, trompette, saxophone) au superbe look fifties donnant dans le Swing, le Jump, le Rhythm and Blues et le Rock?n?Roll qui feraient le bonheur de Louis Jordan et consorts. C?est incontestablement bien en place, léché et bondissant, idéal pour guincher et séduire la donzelle? Un formidable orchestre qui perpétue avec ferveur la musique des années 40 et 50.
Après l?effervescence créée par cette tornade de décibels, le trio du Val d?Oise, Bluesy Train, présenta un cocktail de compositions en français entre Blues et Folk Songs, guitare-chant, harmonica et planche à laver, dont la musique et les paroles, composées par Gérard Tartarini, s?affirment convaincantes et sonnent vraies.
Ce sont, de nouveau, des Nordistes, Stincky Lou and The Goon Mat, qui allaient clôturer cette édition 2003, riche en émotions et fertile en rebondissements, avec Laurent Goosens à la contrebassine, Matthias Dalle à la guitare électrique et au chant, renforcé par l?apport de Fabian Benardo à l?harmonica.
Un moment dans la pure tradition du Mississippi, poisseux et rustique, de Delta Blues brut et de Boogie furieux. Je ne pu résister longtemps à cette envie de bouger qui taquinait mon corps de haut en bas en esquissant quelques pas de danse, encouragé par l?ambiance surchauffée de la salle.
Ce fut une cuvée d?excellents niveaux qui prouve, une fois de plus, la relative bonne santé et le dynamisme de la scène Blues en France. Après le temps du comptage des points et l?annonce des gagnants (lire les résultats par ailleurs), vint la remise des récompenses aux protagonistes, visiblement tous contents et très émus (demandez donc à Arnaud des Stringers in The Night !), avant le b?uf de fin de journée où de nombreux musiciens présents l?après midi prendront part, le soir, à la fête avec en guest, notamment, la violoniste chanteuse américaine Heather «Lil?Mama» Hardy, les musiciens Canadiens de Riverside Blues et l?excellent harmoniciste Guy Bélanger, sans oublier, le batteur des Hoodoomen, Francis Marie.
Un grand bravo pour le splendide travail effectué par toute l?équipe de Blues sur Seine, emmené de mains de maître par Valérie Bouba et Jean Guillermo, sous l?égide de Mike Lécuyer chapoté d?une double casquette, d?organisateur féru de notes bleues et de présentateur adepte de la rime pour ce quatrième concours national du Tremplin de Blues sur Seine.
Harp Sliders
Djamel Deblouze
Big Brazos
Thierry Anquetil
Stringers in the Night
Little Big Band
Bluesy Train
Stincky Lou and The Goon Mat
Lucky Jean Luc
Photos : Christian Rock
13-11-2003
Flyin' Saucers Gumbo Special
Découverts lors de l?édition 2002 du Cahors Blues Festival dans le cadre du Boulevard du Blues, les Flyin? (plus besoin de préciser Saucers, cela sonnant aujourd?hui dans ma tête comme une évidence) faisait une halte dans le cadre des Bars en Seine, concerts gratuits du Festival Blues sur Seine, au Pub Au Bureau de Mantes. Une chaîne de débitants de boissons, standardisé et insipide, plus habituée à écouler des hectolitres de bières plutôt qu?à recevoir des artistes, à l?accueil glacial et désagréable, surtout lorsque vous avez la (mal)chance de porter une casquette? Heureusement, la formation bordelaise a su, comme à son habitude, réchauffer l?atmosphère avec leur cocktail musical aux multiples facettes. Swing, Rock?n?Roll, Tex Mex, Boogie, Valse Cajun et Blues New Orleans furent les principaux ingrédients des deux sets proposés, sur vitaminés et explosifs? Une cohésion de tous les instants où chaque musicien s?exprime avec générosité et détermination affichées.
Cédric Le Goff au chant-lead enjoué et à l?orgue bonifié, pose la première pierre d?une solide ossature où Anthony Stelmaszack confectionne et peaufine un jeu de guitare imaginatif et inspiré. Fabio Izquierdo gratte son "rubboard" et s?active à l?harmonica avec virtuosité tandis que Jean Charles Duchein, posé et dense, à la basse et Stéphane Stanger, dépouillé et constructif, à la batterie, alimentent la rythmique avec éclat. Des reprises percutantes (Let the good times roll, for exemple), des compos en anglais (Jivemen?s Groove, Mister Shaker?) et en français (Sugar Mama, TV News ?) bien senties, au chant partagé par Cédric avec Anthony, Fabio et Jean Charles. Au final, un concert joyeux et festif où le combo bretonno-girondin confirme ses qualités et se positionne sur le dessus du panier des formations hexagonales. Un seul conseil à donner, courir les découvrir en live, pour être certain de passer un agréable moment surtout si vous pouvez éviter les endroits à l?enseigne déjà (trop) nommée? Ambiance chaude et torride assurée !