Voilà peut être une soirée concert qui ne restera pas dans mes meilleurs souvenirs quoique j?ai eu beaucoup de plaisir à entendre le trio acoustique de Hot Tuna.
Arrivé troisième au dernier tremplin blues de la Traverse en novembre dernier, le groupe rouennais Les Wimps Blues Band, jouant dans un registre blues rock électrique, ont la chance de pouvoir se produire en première partie d?artistes américains connus. Malheureusement, de la salle d?un bar enfumée et fréquentée par une clientèle bon enfant à une grande scène aux gros moyens techniques et face à un public venu surtout pour Hot Tuna, il y a plus qu?un pas à franchir et il y a de quoi se laisser impressionner.
Ce qui fut certainement leur cas, tant Loig Paul au chant et à la guitare fut paralysé par le trac. Les musiciens ont eu beaucoup de mal à jouer bien ensemble. En plus, loin de leur faciliter la tâche, ils ont pâti d?une mauvaise sonorisation : trop d?écho sur la voix et la prestation d?Alban au clavier était quasiment inaudible. Mais surtout que ce constat ne vous dissuade d?aller les entendre à l?occasion de leur passage dans un bar live : débarrassé de leur trac, au plus près d?un public festif, ils font merveille.
Hot Tuna nous a offert un concert acoustique dépouillé mais remarquable par le talent musical de ses protagonistes. Leur répertoire fut surtout plus country que blues. Ils ne sont pas n?importe qui et l?histoire de Jorma Kaukonen et de Jack Casady dure depuis plus de quarante cinq ans.
Les plus âgés d?entre nous se rappelle du mythique groupe de rock psychédélique « Jefferson Airplane » qui donnait jusqu?à 200 concerts par an. C?est peut-être lassé par le rythme infernal de pop star que Jorma arrêta tout pour se consacrer à un concept plus country blues en créant Hot Tuna auquel se joignit le talentueux bassiste qu?est Jack.
Ce groupe a connu de nombreuses versions mais ce soir là, à la Traverse, c?était une version acoustique à laquelle s?est greffé un remarquable mandoliniste, Barry Mitterhoff. Barry a une excellente formation classique et s?est produit entre autres avec « the Metropolitan Opera » et « the New York City Ballet ». Il enrichi les compositions interprétées par le trio d?une fort jolie ligne mélodique. Jorman Kaukonen interprète ses textes d?une voix en demi teinte et possède à la guitare un finger-picking très fluide.
Jack Casady jouait admirablement sur une magnifique basse électro-acoustique « Epiphone » qui avait une très belle sonorité. J?ai énormément apprécié leur prestation, accoudé au rebord de la scène mais celle-ci était à mon avis plutôt intimiste pour pouvoir être pleinement appréciée de loin.
Plus percutant, plus rock était le set que nous proposa Teresa James et son groupe « the Rhytm Tramps » avec lequel elle a enregistré 3 disques. Elle s?est produite avec des gens de renom comme Pat Benatar, Paul Delay, Jeffrey Osborne, Mickey Mouse! et bien d?autres, je ne les citerai pas tous. Incontestablement, elle a une sacrée voix et est entourée de musiciens pour le moins efficaces. La rythmique était solidement assurée par Billy Watts à la batterie et Terry Wilson à la basse ; les riffs de guitare de James Cruce soulignaient bien le chant de Teresa.
Mais je dois confesser que je ne fus pas sensible à sa prestation et que sa voix ne m?a pas pénétrer jusqu?aux os comme l?écrivent certains; je classerai son style dans de la bonne variété rock américaine.
Je conclurai, une fois n?est pas coutume pour la Traverse qui bénéficie d?une excellente acoustique, en adressant un carton jaune à la régie son : trop d?écho dans les voix et un manque d?effort pour effectuer une bonne balance pour les jeunes groupes en première partie qui méritent d?avoir toutes leurs chances. Que personne ne le prenne mal car qui aime bien?
Jorma Kaukonen
Barry Mitterhoff
jack Casady
Teresa James
Frère Toc
Photos : Frère Toc & Didier Chaumier
20-03-2005
John Mayall
Jeff Treguer Trio
C?était la foule des grands soirs à la Traverse de Cléon (affichant complet) ou plutôt la ferveur du dimanche après midi, à faire pâlir un curé de campagne à l?heure des vêpres? Un nombreux public, constitué principalement d?inconditionnels, qui ont découvert John Mayall pour les plus anciens dans les années 60 et, pour les autres, au cours des dernières décennies car il n?a pas cessé d?enregistrer des disques (plus d?une cinquantaine de galettes de 1965 à nos jours) et de faire tourner ses Bluesbreakers, dans lesquels sont passés du beau monde comme Eric Clapton ou Coco Montoya, pour ne citer qu?eux?
Mais avant d?assister à la prestation du « father » (71 printemps, il est né le 23 novembre 1933) du British Blues, il revenait au gagnant (haut la main !) de la 2eme édition du Tremplin Blues de Traverse à l?automne dernier, le Jeff Treguer Trio, de s?essayer sur scène pendant une bonne demi-heure. Une sélection de grands standards Country Blues, repris et adaptés en acoustique, qui mettent en valeur les aptitudes des trois musiciens. Jeff Treguer se régale autant à la guitare acoustique, à la guitare à résonateurs (appelée communément Dobro) et au banjo mais c?est surtout son chant, puissant et concerné, qui titille là où çà fait du bien. Phil Adnet amène par ses phrasés d?harmonicas, le plus souvent justes et bien placés, une contribution bienvenue et un soutien vocal non négligeable. Cyril Cantayre donne de la voix en ch?urs et construit une rythmique convaincante avec sa contrebasse. Pas étonnant d?assister à la réaction de la salle qui en redemande et qui leur offre une ovation bien méritée?
Avant l?arrivée de John Mayall sur scène, ce sont d?abord ces trois musiciens (américains), en bons accompagnateurs chevronnés, qui chauffent l?assistance.
Le Texan Buddy Whittington à la guitare et au chant (depuis 1993) se démène, Joe Yuele du Massachusetts aux baguettes (depuis 1985) et Hank Van Sickle de la Pennsylvanie à la basse (depuis 2001) se complètent à la rythmique. John Mayall se présente comme multi instrumentiste et intervient au clavier, à l?harmonica, à la guitare en assurant le chant lead. Un format musical, travaillé, rodé et très pro, sans surprise, qui se situe plus proche d?une (bonne) Variété anglo-saxonne actuelle, aux (faux ?) accents Pop Rock, peu imaginative et insipide malgré quelques immersions judicieuses dans le Blues.
Malheureusement, les uns et les autres jouent sur leur valeur, sans aucune mise en danger ou prise de risques, seul Buddy, par son jeu de guitare exceptionnel, véhicule de temps à autre le feeling indispensable pour transformer certains moments en instants magiques, purs et intacts?
A l?instar de John Mayall, il faut bien avouer que sa tournée sur le vieux continent, aligne 18 concerts en 18 jours consécutifs sans le moindre jour de repos. Il est donc compréhensible d?être obliger d?en garder un peu sous le pied pour le lendemain. En revanche, au niveau du business, John Mayall n?a pas oublié de tout donner, avant et après concert, en s?installant dans le hall pour vendre CD et DVD (par ailleurs fort bien distribués) mais en refusant catégoriquement de signer des autographes sur les billets d?entrée de quelques amateurs avertis, pour le coup, échaudés.
Dommage pour certains mais les applaudissements nourris de la salle, visiblement acquise à sa cause, semble se contenter aisément de cette performance et ne tient pas compte de ce comportement inadmissible?
Ainsi se conclue l?édition printanière de Blues de Mars réduite, cette année, à seulement deux soirées en espérant que la musique bleue, dans toutes ses composantes, brillera de nouveau en nombre et en qualité à la Traverse au mois de novembre prochain?