Cela faisait longtemps que la date de l'évènement, figurait comme une priorité sur mon maigre carnet de route 2005. Philippe Renault (les bidons...), l'avait fait des éloges quand à la qualité des 2 premières manifestations auxquelles il avait participé. Alors plus d'hésitation, cap sur La Charité sur Loire et la 3ème édition de son festival, mon ami Kléber complétant la doublette Normande en escapade dans la Nièvre.
Vendredi 26 Août
Une fois arrivés sur place, nous sommes admiratifs en contemplant la beauté de la ville surplombant les rives de la Loire, exhibant avec majesté son riche
patrimoine historique, aidée en cela par une météo enfin digne d'un mois d'août, gage d'une affluence populaire certaine. Maintenant il nous faut gagner la zone stratégique, et cela ne pose aucuns problèmes grâce notre guide, John Primeur "himself", la tête d'affiche du festival. Flânant dans les ruelles tortueuses, il se fait une joie de nous mener à bon port. Accueillis chaleureusement par Fabien, le coordinateur de l'association Le Chat Musique organisatrice de ce festival, c'est ensemble que nous découvrons le principal théâtre des évènements (magnifique chapiteau), ainsi que les stands des exposants, qui s'affairent tous aux derniers préparatifs. Sans plus tarder, il nous faut rejoindre le jardin des Bénédictins, où les 3 coups d'ouverture de la manifestation vont être donnés.
Les Harpsliders ont donc l'honneur d'ouvrir les festivités, et le coté festif ils en connaissent un rayon les "chtis gars" du Nord, en nous transportant d'entrée au coeur du delta du Mississippi, nous faisant découvrir leur univers musical, chaleureusement rustique et jovial. Ils ne leur faut pas longtemps pour faire vibrer le public, aidés en cela par toute une panoplie d'instruments aussi variés qu'originaux, distillant un subtile mélange de vieux standards et de compositions maison. Papy washboard se démène derrière sa batterie "primitive", enfilant suivant les besoins les "moufles" pour slapper sur sa contrebassine ou les dés à coudre pour "raper" sur sa planche à laver. Imperturbable sous un soleil de plomb, Mister Gobo déroule paisiblement et
efficacement sur sa basse acoustique, donnant l'assise rythmique nécessaire au trio, mais il sait également se montrer brillant quand il s'agit de taquiner le "dobro" et la guitare acoustique notamment dans un style "jazz manouche" dans lequel il excelle particulièrement. Le 3ème larron, en la personne de Manu Slide, finalise le boulot à la guitare et au chant, ajoutant le ukulélé, l'harmonica et le kazoo au grés du répertoire. C'est avec virtuosité que celui-ci, divulgue toutes les facettes de son talent, picking et slide s'entremêlent sur les "boogie blues ragtime" avec un réel bonheur. C'est alors un véritable dialogue qui s'engage avec le public, Manu l'invitant à les accompagner de la voix sur love makin' Mama ou encore le subtile Yémen aux accents orientaux. Les Harpsliders par leurs qualités musicales, leur fraîcheur et leur bonne humeur communicative, furent vraiment dignes de leur réputation et nous firent entrer de la plus belle des manières qui soit, dans cette 3ème édition de Blues sur Loire.
Déjà se profile le début de la première grande soirée, et après avoir recharger les batteries en dégustant les savoureux produits du terroir, c'est devant une salle bien garnie, qu'il va nous être permis de découvrir Ray Sharp. La couleur est donnée d'entrée de jeu, les influences du monsieur grâce à son prestigieux parcours musical, nous propulsent dans l'univers de T-Bone Walker et Pee-Wee Crayton, ne dédaignant pas venir s'immiscer également dans le répertoire rockabilly. Se sont trois "frenchies" qui officient à la section rythmique : Simon Boyerà la batterie, Vincent Talpeart qui a abandonné l'instant d'une soirée sa contrebasse et BoWeavil, apportant toute son expérience à la basse électrique et Jean-Pierre Duarte à la guitare, venant épauler efficacement Ray Sharp. C'est bien lui qui mène le show, ses déhanchements et ses mimiques faisant la joie du public, les "riffs" bien rock'n'roll entraînant ses compagnons appliqués dans son sillage. Comme guise d'au revoir, l'ancien partenaire d'un certain Jimmy Hendrix, nous rappelle à son bon souvenir en nous distillant son single Linda Lu, qui fut tout simplement en 1959, en tête des ventes aux U.S.A. Ce fut un réel plaisir de faire connaissance avec ce bluesman original et touchant.
Petit tour pendant la pause, afin visiter les nombreux stands, et comme de bien entendu il y a foule à l'exposition présentée par Philippe Renault, ou plutôt les expositions puisque nous pouvons admirer entre autre les photos de Jocelyn Richez et Gérard De Castro (Chicago Backstage), de splendides reproductions de dessins des années 30, des toiles magnifiques signées Sabine Heichler et Charles Ducroux (que l'on peut admirer sur la page artiste de l'oreille bleue, Blues Dessin) et bien entendu les dernières créations originales de Philippe, celles venues rejoindre les célèbres bidons qui suscitent toujours autant d'intérêts et de curiosité, donnant ainsi naissance à des "boeufs" improvisés, toujours aussi appréciés par toutes et par tous. Confidences pour confidences, Philippe l'esprit en perpétuelle ébullition, aurait des projets de "off" pour l'année prochaine...Nous en sauront certainement plus, ultérieurement.
La deuxième partie, c'est du 100% Chicago Blues garantie : Billy Flynn et son Band se présentent maintenant. Et excuser du peu : Kenny "Beedy eyes" Smith aux baguettes, considéré comme l'un des meilleurs batteurs blues au monde, Bob Stroger à la basse, qui fut compagnon de route de Muddy Waters, une véritable légende vivante, ainsi que Larry Skoller prêt à soutenir à la guitare rythmique Billy, le multi-instrumentiste, aussi à l'aise derrière sa "Les Paul" qu'avec son harmonica, un des meilleurs représentants actuel de la scène blues de la capitale de l'Illinois. De la dynamite, qui ne met pas longtemps à incendier l'ensemble de l'auditoire en desservant avec ferveur un répertoire de haute volée. Tout cela roule comme une mécanique bien huilée, les acteurs mettant leurs qualités respectives, au profit du collectif. Alors, il ne reste plus qu'à enfoncer un peu plus le clou, c'est Nora Jean Bruso qui se charge de l'affaire en imposant sa voix puissante et dévastatrice, apportant la touche finale qui enflamme définitivement le public : sublime !
C'est la fin du 1er acte de Blues sur Loire, euh...non pas encore car il nous reste encore une dernière petite chose au menu : la production de Rolf Lott qui va se dérouler sur l'esplanade du Bar du Centre, vite il faut descendre en ville... Rolf Lott s'apprête à conquérir son auditoire sous le signe du one man show, nous enfilant comme des perles tour à tour des reprises de Lightn'in Hopkins, John lee Hooker et des compositions de son cru, maîtrisant avec finesse et régularité toutes les techniques guitaristiques, alternant le jeu aux doigts et au bottleneck, sur guitare acoustique et électrique. Il nous emmène au grés de sa prestation, revisiter les standards du blues, en y mêlant tantôt la hargne, tantôt la mélancolie. Nous sommes tour à tour transporter comme par magie, sur un bateau à aubes remontant le Mississippi, ou dans un vieux rocking-chair, paraissant sous un clair de lune. Le message émotionnel est passé, malgré l'horaire tardif de sa programmation qui malheureusement aurais mérité une assistance plus en rapport avec le talent de Rolf. Il est tant maintenant d'aller se reposer un peu, car la nuit sera réparatrice dans bien des domaines...
Samedi 27 Août
... Pas le temps de flemmarder : les "efforts"de la veille étant à peu près gommés, il nous faut retrouver nos amis les Harpsliders, qui ont visiblement eux aussi récupérer des quelques "écarts" de la nuit. Ils ont pris possession de la mini-scène du bar du Centre, nous remettant pour notre plus grand bonheur, le couvert de la veille, transformant cet "apéro-concert" en véritable Kermesse. Une nouvelle fois, leur prestation fait un véritable tabac. Le menu de l'après-midi est tout aussi alléchant que celui proposer à table le midi : Les Rosebud Blue'Sauce et Jeff Zima dans la foulée! Une nouvelle fois, la scène est installée à un endroit stratégique de la ville : Place des pêcheur, sous le porche de l'église prieurale bénédictine, dès lors vite envahie par le public averti, mais aussi par les innombrables touristes attirés par les échos de la musique.
Les Rosebud profitent de l'aubaine et d'emblée leur feeling rempli d'énergie, inonde la foule qui ne demande qu'à taper du pied et frapper des mains. Dans ce domaine, les comparses de Nicolas Duportal sont passé maître en la matière, et imposent un swing fougueux à souhaits, mélange de blues de Chicago, de Californie et du Texas. Pascal Delmas, arrivé depuis peu dans la formation, n'a pas mis longtemps pour trouver ses marques et forme avec l'élégant Abdel "Be Bop" Bouyousfi, une redoutable paire à la batterie et à la contrebasse, alimentant rythmiquement, Cyril Laurent au saxophone ténor et le charismatique guitariste-chanteur Nicolas. C'est une déferlante blues qui nous est proposée, le quatuor en profitant pour y glisser les morceaux de leur nouvel album (qui doit sortir d'ici peu). Nicolas qui est certainement un des meilleurs guitaristes blues de l'hexagone, crooner de charme, trace le chemin de sa petite troupe, surfant avec subtilité entre "swing" félin et langoureux et "jump" ravageur. Du bien bel ouvrage, car le public conquis, en redemande et c'est un signe ! D'ailleurs à l'issue du concert, la longueur de queue pour se procurer leurs disques, donne une idée de la satisfaction générale engendrée par leur prestation.
Du bonheur! Pas le temps de souffler, que l'on aperçoit un individu, s'agitant dans tous les sens, faisant visiblement son show avant l'heure : ...et bien oui!, Jeff Zima évidement ! Décidément un personnage hors normes et ayant eu l'occasion de le rencontrer à La Traverse, je salivais par avance du spectacle que celui-ci allait nous gratifier. Comme prévu, c'est la tornade Jeff Zima qui part à l'assaut des spectateurs, toujours armé de sa fidèle guitare (sponsorisée par une célèbre marque de pansements), entraînant dans son sillage les chevronnés (et résistants), Michel Jirkoff à la batterie et Fred Douglas à la contrebasse. Jeff n'a pas son pareil pour nous faire respirer son blues avec une frénésie indescriptible, ponctué par ses interventions orales truculentes échangée avec le public. Une énergie mis au service de sa musique, son extraordinaire dextérité et aisance technique faisant le reste, hargneuse, sauvage mais parfois aussi toute pleine de de délicatesse. "Built for comfort", "Big fat Mama", "Crazy about you"...le répertoire de Jeff est passé en revu à la vitesse de la lumière, celui-ci sollicitant Cyril Laurent et son saxo à venir finir le set en leur compagnie, qui après un court moment d'adaptation, se mettra au diapason de ses hôtes et donnera à la prestation d'ensemble, une dimension supplémentaire. Du grand Jeff Zima, aussi talentueux qu'imprévisible, un personnage unique dans l'univers du blues et qui de l'avis unanime, ne laisse personne indifférent.
Quelques instants de détente avant d'attaquer la 2ème partie de cette journée, ou chacun occupe se laps de temps soit pour faire la quête de souvenirs dans les boutiques, aller admirer la cité historique, ou bien goûter à certaines spécialités gastronomiques... (hic!). C'est la foule des grands soirs qui se masse sous le chapiteau, pour aborder la partie finale de ce festival qui s'annonce sublime. On peut y apercevoir les protagonistes de l'après-midi, venus également profiter du spectacle proposé. Shri, formation originaire de l'Arizona, ouvre la soirée avec une armada impressionnante :Rackini Chinery à la batterie, Tina Zuccarello à la basse, Steve Ball aux claviers, Everett Jaime à la guitare rythmique, Ed Flaherty guitare lead, Doug Fulker au violon, Nachama Greenwald à l'harmonica, lee Lozowick et Deborah Auletta au chant. D'emblée la couleur d'ensemble est donnée, mariage subtile de Chicago blues, de Delta blues et de Rythm&Blues, tous et toutes mettant à profits leurs qualités respectives pour nous offrir une prestation originale, rehausser par la voix somptueuse de Deborah Auletta. Slide à la Ry Cooder, ambiance Bagdad Café, ballades country blues façon Tony Joe White, les titres phares de la formation passent comme des cartes postales, comme une visite guidée de l'ouest américain. Les nappes de violon et de Clavier créant une atmosphère particulière, ponctuer des interventions millimètres de Ed Flaherty à la slide guitare et des riffs envoûtants de Nachama Greenwald à l'harmonica. Une formation un peu en marge des clichés habituels de la très respectueuse tradition et qui a su véritablement éclater sur scène.
Traditionnel break, avec un petit tour par les stands où comme à l'accoutumée, il y a de l'ambiance autour des "bidons", petit salut aux potes de Blues&Co et Bluesmag et puis après un petit Sancerre salvateur, retour dans la salle qui commence a bouillonnée d'impatience. C'est le moment tant attendu avec l'apparition de John Primeur et son band, l'ancien lieutenant de Muddy Waters, Willy Dixon et de Magic Slim étant à l'honneur cette année. Il est accompagné de Kenny Smith le fabuleux batteur, du légendaire Bob Stroger à la basse et secondé à la guitare par l'excellant Billy Flyn. Et le Monsieur se montre vite digne de sa réputation, faisant intensément monter la vapeur et bientôt faire chavirer la salle de bonheur. Tous les standards de ses Maîtres", véritables patrimoines mondiaux du blues sont passé en revu. Il est véritablement déchaîné, entraînant avec lui ses petits camarades, également au diapason. Avec l'entrée sur scène de Nora Jean Bruso, c'est l'euphorie qui s'empare du public, la chanteuse rejoignant maintenant une formation en état de grâce, clôturant ainsi de la plus belle des manières, cette soirée d'anthologie ! Toutes les chaises sont vides, les spectateurs sont debout pour ovationner John Primeur, qui visiblement ému du triomphe qui lui est réserver, à bien du mal à ranger sa guitare. Il est assurément l'un des meilleurs représentants du Chicago blues actuel !
Les projecteurs s'éteignent alors sur cette somptueuse édition de "Blues sur Loire". Une dernière apparition de John Primeur et de Billy Flyn, décidément pas encore rassasiés, venus nous en remettre une petite couche sur l'incontournable stand des "bidons" de notre ami Philippe (qui les accompagne sur sa "basse bidon), pour y interpréter avec brio "Walking the blues". A cet instant, un unanime sentiment de satisfaction peut se lire sur les visages de toute l'équipe du "Chat musique" emmené par la charmante présidente Élisabeth Levannier, secondée par "fabulous" Fabien et l'ensemble des bénévoles. Il ne faut pas oublié non plus de féliciter les musiciens, principaux artisans de la réussite de ces 2 journées, qui nous offrir le meilleur d'eux-mêmes. Ne pas passer sous silence l'extraordinaire travail accompli par les hommes de l'hombre, Pascal Cranga, Jean-Louis Piazzon et Claude Veyrat les techniciens son et lumières. Un plateau riche et varié, complété par une organisation sans failles, qui a veillé à faire partager et profiter de tous ses instants, dans la convivialité, la bonne humeur et la simplicité : des valeurs appréciées par beaucoup d'entre nous et qui font les grands festivals. Alors, Tchao La Charité, et vivement l'année prochaine !
Ecrit avec la praticipation de Kléber.