L?Archéo. Jazz 2005 : de l?aventure à la scène internationale?
Les organisateurs nous ont une fois encore concocté un plateau de choix. Les artistes parmi les meilleurs se sont regroupés à Blainville-Crevon, sur le site archéologique d?un château médiéval. En cette 28 ème année de l?Archéo. Jazz, ce fut de nouveau quatre jours exceptionnels avec un plateau prestigieux composé de Malika, Jimmy Clift, Stochelo Rosenberg et Romane, Pierre Blanchard et D. Schmitt, Mario Canon, Ray Baretto et, pour la soirée blues, John Lee Hooker junior et Jean-Jacques Milteau. Saluons comme il se doit tous les bénévoles qui ont ?uvré sans ménager leurs efforts, leur temps et le tout dans la bonne humeur pour obtenir un succès bien mérité avec ce cru 2005. Jugez plutôt : l?Archéo. Jazz c?est 130 bénévoles, 1 organisation non professionnelle mais digne des plus grosses pointures, tenue de main de maître par Jérôme Benette et Pierre Grand. Ce festival, qui est né, rappelons le, sur une idée incongrue en 1977 pour sauver les ruines d?un château, a obtenu ses lettres de noblesse.
Pierre Grand, après avoir été directeur d?école de musique à Vernon, est devenu le responsable de l?organisation générale du festival : «J?ai découvert l?Archéo Jazz en faisant venir mes élèves pour voir Petruchiani? Et depuis je suis resté ». Son histoire débute il y à 10 ans : « Je me souviens. Nous étions en 1ère partie de Slide Hampton et à cette occasion j?ai fais la connaissance de J. Benette qui avait alors besoin de quelqu?un pour le seconder». Responsable de la programmation musicale et technique, Pierre est sur le chantier dix mois sur douze. « Et encore les deux derniers mois avant l?ouverture du festival comptent doubles?C?est de la folie, pas le droit à l?erreur, tout doit être prêt a temps et sans précipitation, un vrai travail de titan ». « Mais faut croire qu?on aime ça », ajoute Pierre. Au fur et à mesure des années, des amitiés se lient : « Nous sommes plus une bande de copains?Tiens, d?ailleurs, je te présente le chef électricien, Joël, bénévole lui aussi. Il a quitté son Périgord natal rien que pour l?évènement.» Et ce dernier d?ajouter : « Avant je prenais des congés pour venir aider les copains, maintenant que je suis à la retraite, c?est plus facile pour moi ». Et il y à aussi Armel, Yann, Daniel dit le gascon, Dany l?ardéchois et puis, il y à Georges Bories dit le séducteur, un gamin de 81 ans qui communique à tous sa bonne humeur.
Chapeaux bas, Mesdames et Messieurs, vous êtes tous formidables, votre travail est exemplaire.
Avant que la prestation officielle ne commence, jetons un coup de projecteur sur le groupe invité en «off». Cette année les Spoonful sont à l?honneur. La tradition veut qu?un groupe régional accueille le public venu en nombre. Ce groupe caennais bien connu des Normands a remporté de prestigieuses récompenses dont le Tremplin « Blues sur Seine » de Mantes la Jolie. Avec une prestation principalement faite de compositions (ce qui est bien) difficile cependant d?apprécier ce groupe à sa vraie valeur cet après midi là. Heureusement, les Spoonful ont eu l?occasion de nous montrer le meilleur d?eux-mêmes sur d?autres scènes. Je dois reconnaître que la scène « off » était sans éclat et nous aurions pu espérer mieux . Les musiciens qui se produisent en « off », mériteraient un peu plus de considération.
Si la tradition permet à un groupe de s?exprimer librement sur la scène extérieure, il est en est une autre tout aussi intéressante de la part des organisateurs qui est de réunir sur un même espace l?Art et la Musique. Cette année c?est le sculpteur Patrice Thibout, de Saint Pierre les Elbeuf, qui exposait une partie de ses ?uvres. Cet artiste a débuté sa carrière il y a 20 ans. Il fait un passage par le travail de la résine tout en travaillant ses toiles (car il peint aussi) avant de prendre un tournant décisif vers le travail du marbre. Patrice Thibout a le sens de l?observation et de l?imaginaire. Ses ?uvres sont faites de courbes ; légères, elles m?ont souvent fait penser à Jules Vernes, une observation que ne dément pas l?artiste. Et artiste Patrice Thibout l?est totalement puisqu?il ne se contente pas seulement de sculpter et peindre mais il est aussi musicien, guitariste plus exactement. Et n?essayez pas de le coller sur Eric Clapton, cela semble impossible.
20h00, l?appel de la dernière soirée se faisant pressant, des centaines de personnes venues de tous les horizons commencent à affluer vers le chapiteau.
En 1 ère partie: John Lee Hooker junior. Encore inconnu de la scène française, il était pour la majorité du public la grande interrogation. Nous connaissions John Lee Hooker père et nous allions découvrir son fiston qui arborait fièrement ses 52 ans. Ses musiciens entrent en scène sans l?artiste et chauffent pendant 20minutes une salle interrogative. Vingt minutes !! Il était temps que cela s?arrête, car même si on aime le clavier, à la longue ça fatigue. J.L.H. jr entre apparaît et là, comme par magie, tout change : Rythm' n? Blues, Soul, il aura fallu 5mn à John Lee Hooker jr. pour captiver le public. Surpris mes voisins reconnaissent en lui un artiste complet qui à le sens du rythme et de la scène : « Il est différent du père, mais bon sang il a du métier ». « C?est formidable ce qu?il fait, s?exclame un autre, un vrai show à l?américaine ! » Non seulement l?artiste ne perd pas un seul instant de la communion avec son public, mais il sait à quel moment une « grimace » peut faire la différence : « Incroyable, en plus il est marrant ». Et ça plait au public qui en redemande.
Les morceaux sont enchaînés les uns après les autres (Blues an?t nothin? but a pinp, Goin? down to baghdad ) et le public applaudit à tout rompre au point de couvrir le son des musiciens. John Lee Hooker Jr distille de sa voix de crooner « One bourbon, one scotch, one beer », et nous ne sommes pas au bout de nos surprises lorsque dans l?emballage final, J.L.H.jr interprète quelques morceaux de son père dont l?incontournable « Boum, Boum, Boum ». C?est l?apothéose : 2000 personnes debout sous le chapiteau dans la liesse accompagnent John Lee Hooker Jr. dans les derniers boogie woogie effrénés.
Depuis 6 ans que je suis l?Archéo Jazz, c?est du jamais vu, une ambiance de folie pour un artiste très chaleureux. Plus tard, nous retrouverons l?artiste s?abreuvant, discutant et riant aux éclats comme chacun d?entre nous au bar avec le public entre deux dédicaces de son album «Blues With a Vengeance». Oui vraiment ce type là c?est la gentillesse même. A voir et à revoir sans modération.
Après une brève allocution du Président Benette (sans son pull-over rouge) au moment de l?entracte, non sans rappeler que cette édition venait de faire mieux que l?édition de 1997 avec 5000 billets vendus, nous enchaînions quelques 20minutes plus tard ( ?) pour la 2 ème partie de la soirée avec un habitué des lieux : monsieur Jean Jacques Milteau en quartet. Que dire encore de ce musicien si talentueux, portant aux peuples les plus éloignés le souffle du vent et la connaissance du « Ruine Babine ». Sans doute aujourd?hui est-ce l?harmonica qui porte JJM et Manu Galvin sur les routes de notre planète (Mexique, Afrique etc). La tâche ne semblait pas facile pour cette formation en passant derrière la belle prestation de J.L.H.jr. J J Milteau, avec une humilité bien à lui, le reconnaîtra d?ailleurs sur la scène, s?étonnant que ce soit lui qui soit en 2 ème partie et non l?inverse. Mais bon lorsque l?on connaît l?artiste, on se dit que l?homme est un vieux routier et qu?il a plus d?un tour dans sa valise (à roulettes !). Le public à peine remit de ses émotions n?attendra pas la fin de la prestation pour témoigner à ce groupe sa satisfaction. Dès le 1 er morceau, « Ode To Billy Joe » connu aussi sous le nom de « Marie-Jeanne », version instrumentale, le public accompagne et applaudit chaleureusement, et j?en suis d?ailleurs plutôt agréablement surpris. A l?entame du 2ème morceau, appuyé d?une sonorisation parfaite avec un Manu Galvin prodigieux à la guitare, la réaction du public se fait tout aussi convaincante, alors on se dit que c?est gagné. Le meilleur est cependant à venir ; Comment tenir le public en haleine lorsque principalement on joue instrumental ? Et bien c?était sans compter sur le « dénicheur » de talent qu?est JJ Milteau : un nouveau batteur pour la circonstance en la personne de Stéphane Hauchard, vieux routier lui aussi et seul artiste français à avoir enregistré pour Blue Note, un bon appui à la basse en la personne de Gilles Michel, un guitariste au prestigieux parcours Manu Galvin et une voix venue du fond de l?âme du blues en la personne de Demy Evans, magnifique déesse à la voix d?or qui fera dire à JJ M à la fin du morceau, « que l?on peut à force de travail devenir un bon jazzman, mais qu?il est pratiquement impossible d?être un bluesman » Cette jeune personne au rythme bien ancré dans sa chair, est impressionnante de puissance, d?aisance et de vitalité sur une scène. Un bref retour sur les musiques de ses albums « Live » et « Menphis », et JJM honore ses pairs en rendant hommage à Little Walter. Nous pensions avoir touché le firmament lorsque la voix de Demy lance un vibrant hommage à Ray Charles en interprétant « Georgia ». Cette fois ci c?en est trop, le public unit est debout et dans un tonnerre d?applaudissements il rend lui aussi un vibrant hommage à l?artiste. Fabuleux. Bravo M. Milteau quel bel ouvrage.
23h45 sonnent la fin, non sans une certaine amertume, car nous aurions aimé qu?à l?issue de cette mémorable soirée, les formations de John Lee Hooker jr et de Jean Jacques Milteau, accompagnées par Demy Evans terminent cette soirée par un b?uf d?enfer. Cela n?aurait été que justice car il ne put y avoir de rappel lors de la 1 ère partie pour des problèmes techniques. Dommage.
Ah, j?oubliais ! A l?attention des batteurs : si vous perdez une cymbale, pas de panique, un enjoliveur de voiture fera tout aussi bien l?affaire. Si si, ils l?ont fait. Bon,bien sûr c?était pas un enjoliveur de 2cv, mais plutôt « chicos »,le truc genre « étoile à 3 branches » si vous voyez ce que je veux dire, mais ça marche et plutôt bien même. Y a peut-être un type à qui il manque un enjoliveur aujourd?hui, mais bon on dira que c?était pour la bonne cause.
Vivement le prochain Archéo Jazz. Et il y aura des photos, c?est promis.