Le mois de mars apporte chaque année, même en Normandie, de belles journées ensoleillées (et d?autres plus pluvieuses) mais aussi des rendez-vous incontournables comme la Nuit du Blues organisé par Jacques Picard et l?association Backstage, pour la 11eme édition, au Zénith de Caen dans le Calvados.
Réunissant un nombreux public, estimé environ à deux mille personnes, cette affluence constitue une réussite en nombre, rarement atteinte pour un plateau étiqueté Blues. La jauge moyenne se situant plus fréquemment dans une assistance tournant autour de plusieurs centaines.
Pour ouvrir cette soirée, c?est le plus Breton des guitaristes chanteurs Polonais, Slawek (en duo) qui nous servait une musique enthousiaste et personnelle forgée au cours de ses nombreux voyages. Un métissage musical exprimé en français, en anglais et évidemment en polonais qui diffuse un climat de confiance dans lequel il est fort agréable de s?immiscer. Jugez-en : jeu de guitares acoustiques (6 et 12 cordes) fascinantes en slide comme au médiateur, harmonica suave et plaintif sur fond de chant frissonnant entonné par Slawek ; maîtrise évidente des congas, du charley, de la grosse caisse ou basse électrique posée et savoureuse par le français Gilles Riaux. Un répertoire original de Blues acoustique qui glisse doucement (mais sûrement) vers une World Music caressante aux profondeurs arabisantes. Discours pacifiste comme credo (universel ?) et communications avec le public, Slawek se fait visiblement plaisir à faire chanter la salle dont les réactions positives ne se font pas attendre. Une séduisante ballade colorée qui transmet sa sérénité et sa positivité à qui veut bien l?entendre?
Changement complet de registre avec le Chicago Blues Ambassadors, une revue franco-américaine (c?est assez rare pour être signalé) emmenée de main de maître par le showman Maurice John Vaughn. Le mot revue (d?effectifs) correspond bien à l?esprit proposé tant les musiciens se partagent le devant de la scène à tour de rôle.
A commencer, par Maurice lui-même qui joue du clavier, du saxophone, de la guitare, BJ Emery souffle dans son trombone, Don Ray Johnson frappe sur sa batterie, le Français Fred Brousse s?exprime à l?harmonica et principalement à la guitare comme son compatriote Gaspard Ossikian.
Mais c?est surtout le chant lead qui s?échange suivant les titres entre les cinq protagonistes, seul le bassiste Murphy Doss se contente de marteler le tempo.
Un répertoire de Chicago Blues bon teint, qui se profile entre l?authenticité de quelques standards et le modernisme de morceaux plus funkies, où chacun réussi à tirer son épingle du jeu. Les guitares se révèlent complémentaires, le trombone et le saxophone s?unissent pour le meilleur, la rythmique dense s?impose d?elle-même et l?ensemble fournit des fourmis dans les jambes?
Au niveau de l?énergie et du caractère, Sharrie Williams en a indiscutablement à revendre. Sa prestation à Cognac l?été dernier est restée bien ancrée au plus profond de tous ceux qui l?avaient (re)découvert ce soir-là, se laissant (trans)porter par un savoureux mélange de Blues, de Funk, de Rock et de Gospel. Toujours accompagné de ces Wiseguys de musiciens dont le line up est toutefois légèrement modifié à la guitare et à la batterie. L?exceptionnel James Owen est remplacé à la « six cordes » par un jeune guitariste Allemand, originaire de Dresde, Lars Kutschke, qui s?approprie sans coup férir le répertoire. Derrière les fûts, un fabuleux batteur (désolé pour son nom), aux frappes aussi célestes que robustes, transmets toute la dimension d?une musique groovante et dansante où le démentiel « slap » de l?Italien Marco Ray Franco à la basse et la dextérité de son comparse transalpin Pietro Taucher au clavier et à l?orgue semblent indispensables.
La force de Sharrie Williams, c?est de retenir l?attention avec sa beauté naturelle, son sens du spectacle et bien sûr un chant exceptionnel, à la fois tendre et survolté, élégant et sensuel, qui transmet son lot d?émotions concrètes et jubilatoires. Comme les autres, le public du Zénith de Caen a succombé au show vertigineux peaufiné par celle qui se fait surnommer la Princesse du Rockin? Gospel Blues? Du bonheur partagé entre tous. Tout simplement?
A l?année prochaine pour de nouvelles sensations !