Les off du festival du blues autour du zinc offrent une grande variété d?artistes plus surprenant les uns que les autres. Quelques bars du centre ville, pour la 12ème année consécutive laissent au public le soin de déambuler, ça et là afin d?écouter les dernières surprises que réserve une programmation très éclectique. Les présentes chroniques, du fait de la concomitance des heures de déroulement ne sont le fruit que de bouts de set glanés aux grés d?un certain vagabondage obligatoire afin de croiser le chemin d?un maximum de formations.
Le Longchamp ? 21h00.
Les Belges de Seatsniffers, dans ce bar PMU balancent leurs premiers accords d?un rock and roll d?une rigueur et d?une intelligence quasi hors norme. Balayant d?un revers de manche les clivages musicaux enfermant beaucoup de formations influencées par les 50?s et 60?s, le quatuor assure un set d?une grande richesse en cassant le rythme binaire classique de ses congénères à la proéminente masse capillaire graisseuse frontale.
Les quatre énergumènes ont compris l?importance de varier les influences, de coupler le rythm' and blues et le rock-a-billy afin de ce placer au rang des indestructibles du genre. Un glissement subtil mais non négligeable d?atmosphères chaudes et rétros procurent au band une triple étoile dans mon barème de référence.
Le Longchamp ? 22h30.
Le second quat? mecs band venus d?Angleterre est dans la même veine et reçoit également un sceptre étoilé attribué aux grands. Tonique et sulfureuse, la musique des anglais de The Wildcards est à l?image des groupes de la perfide Albion, sans complexe ni concession. Avant tout rock and roll, les incartades dans le style shuffle leur procure une dimension swing blues plus affirmée que leurs prédécesseurs, sans jamais déroger à la loi de l?énergie et de l?efficacité.
Brasserie Victor ? 21h00.
Le Chicago blues se devait d?être représenté. En la personne de Big George Jackson, il le fut du mieux possible. Habitué des grosses formations du Midwest qui tournent dans le seul but de nous ressasser les classiques éculés de chez maître Dixon. Dans un réflexe compulsif de satisfaire le public de la vieille Europe inculte en matière de blues à grands coups de I?m ready, de Sweet home Chicago ou de I?ve got my mojo working, de nombreux blues men sont trop convenus dans leur approche de la musique. Big George, à contrario, nous procure cette joie immense d?un blues plus inédit et teinté de rythm' and blues. Phil Schmid (guitariste de Lynwood Slim) et Jeremy Johnson (RJ Misho), confèrent à Mister Jackson une dimension plus son suave et crunchy propre au blues californien. Le chant et l?harmo de ce dernier procure une réelle sensation de bonheur à qui sait l?apprécier.
Bar de la Paix ? 21h00.
The Roach twins est un groupe anglais dans la droite lignée des bands de pub rock qui s?illustrent par leur générosité et leur folie scénique. The Roach twins, c?est du son et du feeling. Les jumeaux cafards, Chris et anthony Roach assurent le spectacle alors que leur chanteur au costard bleu pailleté et au masque de plume de paon assure la théâtralité et l?émotion cocasse propre à ce style bien à eux.
Le Zinc Bleu ? 21h00.
Victor and the grease kats sont les dépositaires d?un style 100% rock-a-billy. Leur style est presque caricatural, au demeurant, mais après les avoir vus, il faut leur reconnaître une fraîcheur juvénile et une énergie prometteuse. La formation et son leader doivent confirmer en passant peut-être par une voie moins classique de choix de répertoire et peut-être quelques compos afin de parfaire leur identité.
Magic Mirrors ? 01h00.
Le blues rock des norvégiens de Spoonful of blues, quoi qu?étant fort dynamique ne m?a pas trop touché. Trop bon-enfant et pas assez Stooges pour l?énergie et carencé de nouveautés, la voie étant libre en la matière, leur set et leur musicalité ne restera pas un moment fort du festival.
A l?inverse, celui de Sean Costello, l?Américain déjà fortement primé, est un cas d?école et se démarque largement du lot. Excellent guitariste et chanteur, le sieur sait mettre tout le monde d?accord sur son excellence et sa supériorité artistique. Trop d?la pure bombe, wouhala ! Même si je préfère la partie plus shuffle et jump de son répertoire, son incursion rythm and blues et chaudement soul n?est pas sans me laisser indifférent. Il est à noter le travaille magnifique de son batteur et surtout celui de son bassiste qui ne connaît pas de limite technique afin de mieux nous divertir.
Il est à noter, à l?intermède d?entre plateau, la prestigieuse prestation de The Slampampers, un groupe de déjantés swingueux qui ont su assurer le show en présentant une série de morceaux à la teneur burlesque qui n?a rien à envier aux fameux Quatuor et apporter de la magie et de la fantaisie au gré de leurs sketchs bourrés d?humour et de finesse musicale.
Samedi 17 mars.
Deuxième soirée de ce festival haut en couleur où Laurent Macimba et sa grande équipe de bénévoles se contorsionnent sans cesse afin de procurer le meilleur accueil aux artistes et aux techniciens. Il est important de signaler l?abnégation de toutes ses personnes qui oeuvrent pour le bon déroulement de cette manifestation riche et que je perçois comme lourde à gérer.
After hours ? 21h30.
C?est en la compagnie de Laurent et de Michel Gaudray, collectionneur émérite et conteur passionné de la six cordes que je rencontre les tourangeaux de Loreney and the Sugar Strings. Leurs reprises énergiques de terriblement jump de grands standards du blues. l?anormalement rapide Worried life blues de Maceo Merryweather confère au groupe, une image blues-swing épicée de soul qui sait renouveler le genre par une interprétation personnelle pertinente.
Le Longchamp ? 23h00.
Le gros choc du week-end se produit pour moi avec les Canadiens de The Twisters. La maturité et le professionnalisme de ce groupe de jump and swing est directement inspiré des formations de la côte-ouest américaine. Elégant dans leurs costumes bleu-pétrole et leurs chemises-cravates noires, Brandon Isaak (guitare-chant) et David Hoerl (harmo) cassent la baraque qui n?est pas à frites mais à freak, tant leur classe et leur son me laissent sans voix. En digne héritier des Jordan, Harman, les quatre gars du pays du sirop d?érable mon littéralement collé le cul par terre. Le jeu de guitare est élégant et coloré d?intention jazzy et la voix de Brandon assez polyvalente (claire et mélodieuse ou plus énervée et éraillée), l?harmonica est aérienne, parfois son clair parfois son saturé et la section rythmique est irréprochable de swing et d?homogénéité.
Magic Mirrors ? 1h00.
Les Ugly Buggy Boys ouvrent cette nouvelle soirée sous le Magic Mirrors. Le trio belge développe un concept humoristique et visuel en caricaturant à peine la profonde ruralité ricaine du siècle dernier. Chapeaux de paille de toutes sortes et salopette en jean, voilà nos trois castards qui démarrent sur quelques morceaux phares de leur premier album comme, Hot corn cold corn, I hate the tekno ou le fameux Smoke (pastiche campagnard ultra drôle du célèbre tub de Deep Purple). Leur show est bien rôdé et le public s?est volontiers laissé embarquer dans leur Hillbilly-Boogie aux accents blues et country.
The Revolutionaires, le groupe qui suit se produit pour la première sur une scène française et je pense qu?on les y reverra d?ici à pas longtemps. Leur rock and roll teinté de swing et de rythm and blues, à l?accent d?après guerre ainsi que leur son puissant et leur énergie respective redoutable et communicative, a particulièrement brillé ce soir. Leur Saturday night fish fry de Louis Jordan ou leur super speedé Route 66 de Nate King Cole en sont deux exemples de brillance et de cohésion musicale. La nuit promet d?être belle, et, les oreilles emplies de rythmes endiablés, je quitte le prestigieux Magic Mirrors pour aller vers d?autres aventures.