A l?instar de nombreux autres festivals de Jazz en France (Jazz à Vienne, Jazz à Juan?), le Festival Jazz à Vannes consacre chaque année une soirée au Blues. Des artistes tels que Buddy Guy, Lucky Peterson ou encore Popa Chubby se sont ainsi produits au cours des éditions précédentes sur la magnifique scène du Jardin de Limur. Pour cette 28ème édition, les organisateurs du festival proposent un programme de choix avec Demi Evans et le légendaire Taj Mahal que je me réjouis, en grand fan que je suis, de voir pour la première fois de ma vie sur scène.
Le beau temps étant de la partie, je décide en ce 24 juillet de me rendre dès 14 heures dans la capitale morbihannaise pour assister au tremplin blues brillamment remporté par les String Breakers. En devenant les lauréats de ce tremplin, ce quintet perpétue la tradition des groupes nantais qui s?y sont distingués précédemment (Malted Milk, Scratch My Back) et gagne le droit de se produire en première partie des concerts du soir. Belle récompense pour un groupe qui n?existe dans sa forme actuelle que depuis un an et qui commence à se faire une solide réputation sur la région nantaise.
A 20 h 30 pétantes, les cinq acolytes commencent leur prestation par une reprise du célèbre Hound Dog de Big Mama Thornton. Le public se laisse vite gagner par la voix chaude et puissante de Laurence Le Baccon, ainsi que par son humour. Puisant dans un large répertoire allant de Muddy Waters à Freddy King en passant par Syl Johnson, les String Breakers, semblent impressionnés dans un premier temps par l?enjeu. Les deux guitares (très complémentaires) de Sami Touré et Grégory Denis sont portées par une rythmique solide et efficace dans laquelle officient Vincent Blivet (basse) et Arnaud Migné (batterie). Solidement installés sur la grande scène, commençant à prendre de l?assurance, les String Breakers font leurs adieux au bout d?une demi-heure à un public vannetais enthousiaste.
De l?enthousiasme, les 1400 spectateurs présents vont en avoir à revendre durant le show époustouflant livré par Demi Evans & The Hands. Cette chanteuse originaire de Dallas a opté pour une carrière d?auteur-compositeur-interprète sur les conseils de Stevie Wonder. Elle assume totalement sa conception très personnelle d?un Blues largement teinté de Jazz, de Soul, de Folk ou encore de Gospel. Accompagnée par une équipe de grande qualité (Nicolas Noël aux claviers, Fred Morisset aux guitares, Cedric Affre aux percussions), Demi Evans impressionne aussi bien par ses qualités vocales que par son charisme et son incroyable maîtrise de la scène. Conquis, le public (moi en tête !) fait honneur à ce magnifique concert malheureusement trop court. Fort heureusement Demi Evans tourne beaucoup en France (avec Jean Jacques Milteau notamment) et les occasions de la revoir ne devraient donc pas manquer.
Vers 22 h 30, Taj Mahal prend d?assaut la scène de Limur. La formule adoptée pour cette tournée européenne est le trio. Entouré de Kester Smith à la batterie et de Bill Rich à la basse, Taj Mahal jongle entre guitare, piano et banjo. La première partie du concert s?avère, je dois l?avouer, décevante. En effet, cette figure incontournable du Blues sert à son auditoire quelques grands standards qui laissent apparaître un jeu de guitare souvent approximatif et un son très agressif. De plus, la section rythmique ne semble pas au mieux sur ce type de morceaux. Seul point vraiment positif de ce début de show : la voix reste remarquable, mélodique et puissante à la fois. Le spectacle prend une autre tournure quand Taj Mahal passe au piano. Malgré une technique assez rudimentaire mais efficace, l?artiste propose alors un répertoire New Orleans et Cajun dans lequel il évolue avec beaucoup plus d?aisance. Taj Mahal revient par la suite à la guitare mais avec des sons cette fois-ci acoustiques et fait alors montre de son vrai visage en conviant le public à un véritable voyage sonore : country blues (Fishin? Blues, Lovin? In my Baby?s Eyes), rythmes des Caraïbes (Queen Bee), musiques africaines? Signe qui ne trompe pas, le public se montre à partir de ce moment vraiment plus réactif et le dernier morceau exécuté au banjo finit de conquérir un auditoire qui semble avoir oublié les errements du début.
Ainsi s?achève la soirée Blues de cette 28ème édition d?un festival qui chaque année propose un programme de qualité dans un cadre enchanteur.