Rendez-vous incontournable au c?ur de l?été, le festival Cognac Blues Passions pour sa quinzième année d?existence accordait une place toute particulière aux artistes féminines. Toutefois, avant même l?ouverture du festival, la programmation avait déjà suscité pas mal d?interrogations chez un certain nombre d?amateurs de Blues. Il est vrai que la présence d?artistes a priori assez, voire très éloignés de cette musique (Steve Lukather, Massive Attack) et les prix d?entrée n?étaient pas d?ordre à rassurer les plus sceptiques, si bien que certaines têtes habituelles manquaient cette année à la fête dans les rues de la ville charentaise. Ce festival garde bien sûr d?indéniables qualités (cadre magnifique, scènes multiples...), mais les programmateurs auraient tout intérêt à l?avenir à ne pas trop s?éloigner des racines de cette musique pour éviter de se couper du public originel qui a joué un rôle essentiel dans le succès de Cognac.
23 juillet
A peine arrivé, direction le Fair Play dans le centre de cette charmante petite cité pour assister bien sûr aux concerts de Lonj et de Tia & The Patient Wolves mais aussi au vernissage d?une formidable exposition de photographies intitulée « Sean Costello & Friends ». Essentiellement composée de clichés pris par la photographe nantaise Rebecca Eskenazi (RBK Records, www.myspace.com/rbkrecords) lors de la venue sur Nantes en novembre 2007 de Sean Costello, cette exposition est un superbe et émouvant hommage rendu à cet exceptionnel bluesman. Pour ceux qui l?auraient ratée sur Nantes en mai et sur Cognac en juillet, session de rattrapage en octobre puisqu?elle sera visible en octobre à Tournon d?Agenais dans le cadre du Blues Station.
Lonj (Le Fair Play)
C?est à Lonj que revient la tâche d?ouvrir cette soirée au Fair Play et cela ne s?annonce guère facile du fait comme il le dit lui-même d?un public qui à cet instant de la soirée pense plus à son ventre qu?à ses oreilles. Seul sur scène, le Bordelais ne semble guère contrarié par cet état de fait et livre comme d?habitude un concert décapant, plein d?énergie durant lequel il fait la part belle aux titres tirés de son excellent dernier album intitulé « I Found Out » (jetez vous dessus, si ce n?est déjà fait !). Quel regret de ne pas avoir pu assister à son concert deux jours plus tard sur la scène place François Ier accompagné par Bo à la batterie. Nouvel écueil pour lui, puisque en cette occasion, c?est la pluie qu?il a dû braver ! D?après les échos que j?ai eu, cela ne l?a pas empêché de livrer une prestation fracassante !
Tia & The Patient Wolves (Le Fair Play)
Fracassant n?est pas à proprement parler le terme le plus approprié pour décrire le show proposé par le groupe suivant à se présenter sur la scène du Fair Play: Tia & The Patient Wolves. J?avais eu l?occasion de les voir l?an dernier sur Cognac dans différents bars dont le Fair Play et le Globe. Bien que peu emballé par la voix de cette chanteuse-guitariste, je gardais un souvenir tout à fait agréable de ses concerts. Il m?est difficile d?en dire autant suite à la prestation à laquelle j?ai assisté. Les réserves ne sont évidemment pas d?ordre technique tant on a là un trio qui maîtrise son sujet, mais tiennent au manque d?enthousiasme voire à la lassitude manifestée par une leader assez détachée du public, pour ne pas dire distante. Il est évident que le calendrier extrêmement chargé du groupe (quasiment une date par soir et près de 5000 kms parcourus sur les 15 jours précédents Cognac) est un facteur déterminant pour expliquer le manque de vitalité de l?ensemble. En fait, seul le pétillant batteur Denis Agenet échappe à ce constat : il a semblé parfois bien seul dans ses tentatives d?insuffler un peu d?énergie à ce concert?
24 juillet
Dawn Tyler Watson & Paul Deslauriers (Eden Blues)
Soleil de plomb et public légitimement enthousiaste pour ce duo acoustique canadien composé de l?efficace Paul Deslauriers à la guitare et de la ravissante Dawn Tyler Dawson, révélation de l?édition 2002 de Cognac Blues Passions. On comprend mieux pourquoi elle a tant marqué les esprits : voix puissante, superbe présence scénique, tels sont les ingrédients qui ont fait de ce concert un vrai moment de bonheur.
Bobby Rush (Carré Blues by Camus)
Six ans après avoir créé la polémique, cette quinzième édition marquait le retour sur Cognac de Bobby Rush, révélé à un public plus large grâce à son apparition dans un des films de la série sur le Blues dirigée par Martin Scorsese, « La route de Memphis ». Cette année, ni choristes, ni danseuses affriolantes: ce grand nom du Chitlin? Circuit se présente seul sur scène avec une guitare et un harmonica pour une heure d?un set enthousiasmant qui mêle standards du Blues et titres funky dans lesquels ce récent septuagénaire fait preuve d?un sens du groove contagieux. Aucun doute, l?inscription gravée sur sa casquette est d?une incroyable justesse : « There?s only one Bobby Rush » !
Billy Jones (Blues Paradise)
Remplaçant au dernier moment d?Etta James qui a annulé sa tournée pour raison de santé, le programme officiel du festival présentait Billy Jones comme un artiste inspiré par Elmore James, BB King, Jimmy Reed, Lowell Fulson, un bluesman « fermement ancré dans la tradition mais résolument moderne ». Sur ce coup-là, on n?est pas loin d?avoir frôlé la publicité mensongère? Malgré les effets d?annonce alléchants, on a eu le droit à près d? une heure et demi d?un Blues FM insipide, sans âme (pléonasme !) avec sons de clavier et de guitare d?un goût douteux et effets scéniques contestables?
Willie King & The Liberators (Blues Paradise)
Fort heureusement, le souvenir du concert de Billy Jones s?efface rapidement avec l?arrivée d?un des grands représentants du Blues rural désigné président d?honneur de cette quinzième édition : Willie King. Le premier morceau terminé, on a l?impression que ce formidable artiste a transformé la scène du Blues Paradise en un juke joint poisseux du Mississippi. Il ne manque plus que les effluves de corn liquor pour s?y croire ! Durant près de deux heures, accompagné par une équipe toute entière consacrée à sa musique, le musicien d?Old Memphis, Alabama, livre un set magnifique, hypnotique, authentique. Mention spéciale à Debbie Bond, femme de convictions (belle tirade anti-Bush !) et excellente guitariste au jeu très fin qui tient une part essentielle dans la découverte récente de Willie King. Malheureusement, ce digne héritier de Junior Kimbrough et RL Burnside a la réputation d?être plutôt casanier... Deux options s?offrent à vous : soit aller le voir se produire au Bettie?s du côté de Prairie Point, Mississippi ou, plus simple, vous procurer ses disques parmi lesquels « Jukin? at Betties » ou « I am The Blues ».
Anthony Stelmaszack (Blues des Anges)
A peine le temps de se remettre de ce concert qu?une partie du public se dirige vers le Blues des Anges pour un autre grand moment d?une soirée décidément riche en émotions. Une Gretsch 6120 entre les mains, Anthony Stelmaszack entouré de deux fines lames (Thibaut Chopin à la basse et à l?harmo, Simon « Shuffle » Boyer à la batterie) entame son concert par un titre tout à fait représentatif de mon humeur du moment : « I Feel So Good » de Big Bill Broonzy. Le ton est donné : durant une heure et demi, les quelques 150 spectateurs présents vont se délecter de ce formidable hommage rendu par ce trio au Blues des 40?s et 50?s. Et avec quelle énergie ! Ce n?est pas une découverte, mais Anthony Stelmaszack a vraiment du feu dans les doigts et nous gratifie notamment de splendides parties de slide et d?un dernier titre exécuté à la mandoline dans une ambiance survoltée. Assurément un des meilleurs concerts du festival ! La qualité du spectacle proposé fait même oublier les effets scéniques parfois un peu irritants de Simon Boyer, (il doit lancer ses baguettes en l?air en moyenne deux à trois fois par morceaux?), piètre jongleur mais grand batteur !
25 juillet
Ze Bluetones (Le Fair Play)
En ce vendredi après-midi, la pluie s?est invitée sur Cognac. Fort heureusement, elle ne dure pas et sur les coups de 19 heures, la scène du Fair Play peut accueillir un groupe bien connu du public cognaçais et pilier incontournable de la scène Blues hexagonale: Ze Bluetones. Sapés comme des milords, costard et chaussures bicolores, pas de doute, les Normands ont un look qui colle parfaitement avec leur Blues mâtiné de swing. Cependant, je dois avouer que comme lors du concert de Tia & The Patient Wolves, je suis resté sur ma faim. Là encore, rien à dire sur la qualité de l?interprétation: le quintet ne manque pas de talent, Agathe Sahraoui en tête. Mais, l?ensemble m?a semblé manquer cruellement d?énergie, d?envie de communiquer avec le public, de folie tout simplement. Et là encore, à l?image de Denis Agenet deux jours plus tôt, seul l?excellent Thomas Troussier à l?harmo a par moment réussi à amener un zeste d?exubérance dans une prestation qui en a trop manqué.
Big Dez & Sax Gordon Beadle (Magic Place)
Vexé de l?avoir loupé il y a deux ans lors du festival de Blues de Cazorla, je m?étais juré de ne pas rater le concert de Big Dez sur la somptueuse scène de la place François Ier. Le Francilien ne lésine pas sur les moyens avec pas moins de onze musiciens sur scène, dont deux choristes pour un show très généreux. Trop, serais-je tenté de dire ! On part pied au plancher pour ne jamais baisser de rythme. L?enthousiasme du début de concert ne disparaît certes pas, mais s?érode peu à peu tant on a l?impression que l?ensemble ne respire pas assez. Assez révélateur de ce constat, le son de guitare de Philippe Fernandez qui en augmentant un peu plus son volume à chaque chorus devient vite trop agressif pour être vraiment apprécié à sa juste valeur. Malgré tout, c?est un concert d?une indéniable qualité auquel on assiste. Deux membres du groupe m?ont paru particulièrement intéressants: le très efficace harmoniciste Marc Shaeller et Rodolphe Dumont, guitariste inspiré dont les interventions ne sont pas sans rappeler celles d?un Jimmie Vaughan, époque Fabulous Thunderbirds!
Cadillac Zack & Elmore James Jr (Blues des Anges)
Pour finir cette soirée, la programmation proposait la rencontre entre Elmore James Jr (fils de qui vous savez !) et un jeune guitariste californien dont les mérites sont vantés par Otis Rush ou Rusty Zinn: Cadillac Zack. Concernant le jeu de guitare, je comprends et partage tout à fait leur enthousiasme tant il maîtrise à merveille la six cordes. Malheureusement, Cadillac Zack est d?une froideur désarmante, pour ne pas dire glaçante et ses vraies qualités guitaristiques ne suffisent pas à faire oublier ce constat. Il faut dire que la section rythmique qui l?accompagne ce soir-là n?est pas des plus enthousiasmantes à tel point que l?on a l?impression que chacun joue dans son coin, sans véritable cohésion. Dommage, car Elmore James Jr, s?il ne possède pas le talent de son illustre paternel lui fait tout à fait honneur plus au niveau du jeu de guitare que de la voix, cependant?
26 juillet
Wanda Johnson (Eden Blues)
Pour la première fois en France, Wanda Johnson se présentait à Cognac en exclusivité européenne. Répertoire navigant entre Gospel, Soul, R?n?B et Blues, voix puissante, groupe parfaitement en place pour un concert tout à fait agréable sous le doux soleil de la cité charentaise.