Ce vendredi 24 avril est une soirée à marquer à l?encre d?or. D?abord parce que c?est toujours un grand plaisir de se déplacer vers une capitale où la musique sonne bien, ensuite parce que ce soir là, les programmateurs n?y sont pas allés avec le dos de la cuillère.
3 parties, 3 plateaux d?exceptions, 3 styles différents qui marquent combien le Blues est une grande famille avec le normand Philippe Briére et deux formations américaines avec Tad Robinson puis Mississippi Heat.
On doit beaucoup à un certain Jacques Picard, l?un des protagonistes de la programmation, d?avoir eu le nez fin et consacrer de son temps à « zoner professionnellement » dans un rade qui lui avait été suggéré et où se produisait l?un des artistes de la soirée.
Un certain Philippe Briére pour ne parler que de lui.
¾ d?heure durant guitare à la hanche et c?est une nouveauté, l?homme engage la première partie. L?ancien leader des Hoodoomen a décidé pour l?heure de mener une nouvelle carrière en solo. Voix de baryton, s?accompagnant de son plus fidèle ami, l?harmonica, Phil délecte le public de ce nectar dont lui seul a le secret. Une reprise de Down by the River Side (traditionnel) et l?artiste nous entraîne sur le bord de la rivière, promenant nos regards et nos oreilles à la découverte des « petits coqs rouges » avec Little Red Rooster de Willie Dixon. Une interprétation très personnelle et convaincante de Saint Louis Blues (WC Handy) emportera le public acquit à la cause de l?artiste. Hommage à Jimmy Reed avec Hey Mister Reed, une compo, petit détour vers la baie de San Francisco avec San Francisco Bay Blues (Jesse Fuller). Du courage, il en fallait avec cette compo (Give me the courage) pour tenir la scène du zénith seul, face au public venu nombreux et qui peut-être attendait avec « incertitude » le retour de l?artiste. Cerise sur le gâteau avec Like Coyote, reprit en c?ur par la foule, morceau choisi et de circonstance à propos des faux meilleurs amis. On savait l?homme attachant, sensible, précieux, sa nouvelle composition « Dans les Cartons » témoigne de la dure réalité de la vie pour les hommes de la rue, un moment intense. Philippe Briére rassure avec That?s all Right Mama (Arthur Crudup), pour enfin saluer son public avec un magistral Baby Please don?t Go. Impossible d?échapper au rappel, bien mérité et pour lequel public et artiste d?une même voix « A cappela »semblaient dire : Baby wath you want me to do ? (Jimmy Reed)
Et bien l?artiste....le public ce soir aimerait sans aucun doute te faire faire bien plus de scène et te voir plus souvent, alors une nouvelle galette pour bientôt ?
Aprés la succulente mise en bouche acoustique du local Philippe Briére, c'est au tour de l'américain Tad Robinson d'investir la scéne.
La prestation de Tad Robinson et de ses musiciens apportent son lot d'émotions fortes dans un répertoire résolument moderne fortement teinté de Soul Music.
Des compositions, puisées au coeur de ses deux excellents derniers albums, "Did You Over Wonder ?" et "A New Point of View", nourries de tempos lents propices aux rapprochements humains et de rythmes plus soutenus, véritables appels à se trémousser.
Qui dit Soul, dit évidemment performance vocale et Tad de ce côté là, posséde un organe exceptionnel, nuancé et racé qui touche au plus profond par ses envolées maitrisées et puissantes. Il faut ajouter à cela, l'apport non négligeable de l'harmonica sur certains titres. Des morceaux choisis s'enchainant les uns aux autres comme autant de friandises à déguster sans retenue.
Mais c'est aussi la complicité affichée avec le reste du groupe qui donne toute la mesure d'une performance réussie et classieuse.
A commencer par le guitariste Alex Schultz au son si particulier de Telecaster, açéré, intense et vivifiant, en adéquation avec le toucher céleste de Kevin Anker sur ses claviers se gargarisant tous du soutien rythmique imperturbable peaufiné par Steve Gomes à la basse et par Robb Stupka à la batterie.
Une bien beau festin qui a rassasié l'appétit d'ogre de toute l'assistance présente.
J'avais déjà entendu parler de Mississippi Heat. Tout droit venu de Chicago, le groupe n?en finit pas d?écumer les festivals à l?étranger. Profitant d?une tournée en France le Zénith ouvre la scène à cette formation charismatique. Influencé par un Chicago blues très amplifié, l?interprétation surprend et sort des sentiers battus.
La première partie de ce 3ème set est assurée par la chanteuse Inetta Visor. D?emblée, Inetta nous place dans le contexte du dernier album :« Handyman ».
Composé de musiciens de talents, Stephen Howard à la basse, Kenny Smith à la batterie et Carl Weatherby à la guitare, le groupe distille un Blues tonique.
Mais Mississipi Heat ne serait pas Mississipi Heat sans le talentueux harmoniciste Pierre Lacocque. Quel son ! Quelle vitalité, Quel Phrasé ! Une culture à la Walter Horton au service d?un Blues épuré et précis. Une puissance de jeu qui interpelle, qui fascine. Voilà sans doute le secret de ce groupe. Pas de copie, une impression de fraicheur, rien à voir avec les riffs mainte fois entendus et quelquefois il faut bien l?avouer fatiguant au possible. Un très agréable moment. Un seul regret : que Mississipi Heat ne soit que trop peu souvent sur les scènes de France.
Un grand merci à toute l'équipe de l'association Backstage pour cette succulente soirée vécue au Zénith de Caen et nous n'attendons qu'une seule chose pour la 16e édition : une affiche de même nature alliant qualité et diversité !