Bon, il est temps de rentrer, après cet extraordinaire week-end passé sur un nuage en compagnie de mes petits chaperons bleus : Lucky, Riton et Xavier ; à l?occasion du 10ème « Beautiful Swamp Blues Festival ».
Nous avons fait le point, jusqu?à très tard dans la nuit, après quelques coups pour arroser tout ça? Et, si mes souvenirs sont exacts, notre « Top Five » de la programmation s?établit comme suit :
1. Sugaray Rayford
2. The Big Pete Blues Band Feat. Alex Schultz
3. Golden State-Lone Star Blues Revue Feat. Anson Funderburgh & Little Charly Baty
4. Lighnin?Guy & The Mighty Gators
5. The Excitements
Chronologiquement, le généreux programme a commencé le vendredi 29 novembre 2013 et je me remémore cette belle soirée avec :
- The Excitements (ESP) Le groupe barcelonais séduit immédiatement avec son répertoire original. Pas de temps mort entre tous leurs titres dans un registre très soul. Musicalement et vocalement, c'est très bon. Visuellement également : imaginez une jeune tigresse à la Tina Turner soutenue par un band qui fait revivre tous les clichés des sixties. Des pêches de cuivres qui balancent jusqu?aux guitares qui se déhanchent en rythme, tout y est. La soirée s?annonce belle et chaude.
- Hobo Blues (FRA) C?est avec un grand plaisir que je retrouve ce duo qui aura la lourde tâche d?assurer tous les intermèdes des 3 soirées. Il me semble même que la doublette magique s?offrira le luxe de nous proposer un répertoire qui ira crescendo au cours des 3 soirs, avec un plaisir de plus en plus communicatif !
- Sugaray Rayford (USA) Alors, là c'est l'énorme claque. Rien entendu de tel depuis Imperial Crown. J'éprouve les mêmes sensations de découverte, d'étonnement, de pied total. Sur le papier, à priori, comme Imperial Crown, ce n'était pourtant pas ma tasse de thé. Même les afficionados ayant trouvé formidable Sugaray Rayford, lorsqu?il était accompagné par les Flyin' Saucers Gumbo Special, seront béats d?admiration après la perfection atteinte lors de ce show. Il faut dire que les musiciens (bassiste, batteur, clavier, choriste, guitariste et ses 5 cuivres) tous hors pairs ont véritablement mis le feu jusqu?à ce que Sugaray les envoie « souffler » backstage. Franchement, chanter « a capella » ou accompagné d?un duo acoustique, sans que ça retombe, là, je dis « Môssieu »? Les musiciens reviennent. Le solo de sax du pianiste (!!!) m?achève. Puis débarque un titre connu, rrraaahhh, je ne connais que ça? C?est? C?est? Ah oui, mais là, c?est bien PLUS beau. Pourtant c?est le célébrissime et archi-repris « I'll Play The Blues for You » de Jerry Beach popularisé par Albert King. Quelle voix enchanteresse ! Le solo de guitare est si aérien et divin que j?en frisonne de plaisir. Les larmes me montent aux yeux. Je suis définitivement conquis. Ces gars-là pourraient enchaîner, tout au bout de la nuit, à grands renforts de « Mustang Sally », de « Sweet Home Chicago » ou bien avec n?importe quel titre éculé, j?y découvrirais encore des charmes insoupçonnables. Si le festival s?arrêtait tout de suite, je ne serais pas du tout déçu : j?ai déjà eu ma dose de sensations fortes.
- Chicago Blues Festival (USA) Personne ne semble reconnaître ces légendes égarées loin de leur « Sweet Home »? Huit jours auparavant, je les ai vus ouvrir pour Lurrie Bell à la « Traverse de Cléon », et visiblement, ils ont abandonné là-bas le peu, de certitudes et de vigueur, qu?ils avaient emporté pour toute la tournée? La prestation qui clôture la soirée s?avère donc bien terne.
Le « Beautiful Swamp Blues Festival » se poursuit le samedi 30 novembre avec :
- Lighnin?Guy & The Mighty Gators (BEL) : Le gars est très sympa, talentueux, tant au chant qu?à la guitare et à l?harmonica. De plus, il est bien entouré, notamment par un jeune guitariste de 22 ans, qui en a sous la pédale sans jamais verser dans la démonstration. Probablement la révélation la plus prometteuse du week-end?
- Awek (FRA) Tout en maîtrise depuis vingt ans, les occitans perpètrent leur coup du show parfait. Trop bien au goût de certain ??? Je ne m'explique pas qu'on puisse cracher à ce point dans la soupe toulousaine? Bernard Sellam au chant et à la guitare, Joël Ferron à la basse, Olivier Trebel à la batterie et Stéphane Bertolino à harmonica forment un vrai groupe et ça se sent ! Leur cohésion fait leur force. L?âme de leur blues fait la différence avec celle du spleen des mercenaires, aussi talentueux soient-ils.
- Steve Freund (USA/FRA) Malgré la présence de Steve Freund, le band de « frenchies », qui suit, redescend le niveau de quelques crans? Ce super guitariste, à la super voix, ne suffit pas à faire décoller l'équipage hexagonal. Finalement, à la réflexion, je préfère Steve Freund comme accompagnateur que comme leader. Un gros manque de charisme, sans doute.
- Mark Hummel + Little Charlie Baty + Anson Funderburgh + Wes Starr + RW Grigsby (USA) Enfin, « The Golden State-Lone Star Blues Revue » : jamais la passerelle entre Texas et West Coast ne m'a semblée si évidente? Côté Texas, Wes Starr possède un groove particulier et un double shuffle redoutable à la batterie. On me dit qu?il vient de se casser un doigt, j?ai du mal à le croire tant il respire une santé rayonnante. Il en met partout et à bon escient pour enflammer le jeu de guitare hyper aéré de l?autre texan Anson Funderburgh, pétri de classe. Anson c?est mon totem du blues : jamais peur du silence et un toucher à damner tous les saints de la gratte. Avec sa version de « Side Tracked » de Freddie King, je suis déjà aux anges. Côté West Coast, j?ai déjà vu jouer les 3 autres ensemble à Tremblay. L?effet de surprise n?est plus au rendez-vous toutefois la magie opère encore. RW Grigsby, à la basse, avec l?air de ne pas y toucher (au grisbi !), assure l?essentiel, sans jamais se mettre en avant et tout en nuances. Comme Little Charly Baty qui est en grande forme et tout en retenue (Merci Anson ?). Point de déboulade « djangologique » ébouriffante, Mister Baty, pento rétro impeccable, m?estourbit avec tact. Quel bonhomme, quelle humilité, quand on sait combien il peut être fou-furieux. Il laissera d?ailleurs, avec courtoisie, le très convaincant Bernard Sellam d?Awek, prendre sa place pour le b?uf final. Mark Hummel, impeccable au chant tout au long de la soirée, envoie un gros son d?harmo agrémenté d?une technique ahurissante et détonante, sans verser dans l?exubérance. Il accueillera, avec déférence, Stéphane Bertolino qui évitera, à son tour, d?avoiner pour tirer la couverture. Ce soir la parole est au blues, au partage et c?est tant mieux.
Ce BSBF s?achève le dimanche 1er décembre avec :
- Ron Hacker (USA/FRA) L?homme tatoué sera sans doute celui qui nous délivrera le blues le plus authentique et le plus « roots » qui soit. Deux « frenchies de luxe » impeccables l?accompagnent : un Pascal Delmas très attentif et un Fred Jouglas, bien en verve, mais toujours loyal pour mettre en valeur le vrai bluesman.
- Cisco Herzhaft & Philippe Ménard avec Dominique Floch (FRA) L?hommage bien mérité à Dominique, accompagné des papis du blues français, est très émouvant. Je mesure que l'héritage qu?ils nous laissent est plus colossal que leur prestation hétéroclite improvisée. La « standing ovation" de ce dimanche soir en témoignera.
- The Big Pete Blues feat. Alex Schultz (NDL/USA/GER/BEL) « The European-US Connexion » frappe fort d?entrée de jeu. Première constatation, à la basse le colossal Erkan Özdemir tient la cabane à lui tout seul. Fort comme le turc des ses origines et plus efficace qu'un allemand, il arbore un large sourire, confiant. Deuxième constat, Willie Maes, le batteur, l?accompagne d?un petit doigt et d?un orteil souverains. Du coup, ça lui laisse quelques membres bien disponibles pour enjoliver la rythmique de coups aussi déstabilisants qu?improbables. Bref, ce mec incroyable vient d?une autre planète : la Belgique? Alex Schulltz essaiera bien de caler sa guitare sur ses mises en place jouissives, mais sans succès. Bon joueur et tout sourire, il finira par abandonner provisoirement ce divertissement, en se secouant la tête? Le show de la soirée est assuré par Big Pete, l?autre géant, malgré l'excitation qui l?envahit. Pourquoi donc ? On a rapidement l?explication quand il aperçoit enfin James Harman sur le côté de la scène? Impatient, il abandonne ses complices pour rejoindre longuement son idole ! Maintenant, ce diable d'Alex Schultz prend la main pour nous emporter au paradis de la guitare, avant de rappeler le grand batave. « Go man, go man » scande Big Pete peu enclin à revenir. Le trio va nous conduire au plus près de la voie lactée du blues. Tout le monde semble subjugué par le talent incommensurable d?Alex Schultz qui tutoie les étoiles. Ceux qui l'ont vu un paquet de fois semblent dire que c'est sa meilleure performance? Quand le hollandais revient enfin pour nous asséner l?estocade finale, Alex Schultz tente à son tour de déstabiliser son batteur ; il l?invite du regard à le rallier sur ses mises en place fouillées. Peine perdue. Willie Maes, au dessus de ces enfantillages, aura la perspicacité de ne jamais le rejoindre, tout en se marrant comme une baleine à chaque tentative avortée de son guitariste émérite. Magistralement accompagné, Big Pete m?aura administré ma seconde ration d?émotions puissantes. Je suis encore envoûté.
- James Harman (USA/Fra) Quand James Harman paraît enfin, il claironne qu?il n?y aura pas mieux ce soir que ce qui vient de se passer. La messe est dite. Pourtant la star n'est pas entourée par des enfants de ch?ur, mais il va falloir qu?ils se secouent la soutane pour assurer l'office. Le vieux briscard sait de quoi il parle. Il a beau être accompagné de la crème du blues métropolitain, exécuter de petits pas de danse sur les solos de Julien Bruneteau auxquels succèdent, sans surprise et systématiquement, ceux d'Anthony Stelmaszack, son show ne décollera jamais vraiment. Malgré une incantation au « Boogie-Woogie Time » pour un sursaut vocal bienveillant, il ne parviendra pas à conjurer le sort. Condamné à faire le singe ou différentes mimiques pour se donner quelque contenance, on voit bien qu?il s'ennuie ferme. Il peut s?époumoner à l?harmo et s?évertuer à chanter bien et fort, tout le monde perçoit que ce n'est plus la même limonade que le précédent set. Alors, il appelle à la rescousse son chauffeur de circonstance, Youssef Redmana. Voix et harmonica de velours, Youssef prend intelligemment la main pour remédier à l?absence du maître de cérémonie. Manifestement, James n?a pas envie de revenir, mais pas pour les mêmes raisons que Big Pete. Il rapplique enfin, sans tambour ni harmonica, uniquement pour dire bye-bye sous l'?il médusé de l?assistance. Je me demande comment un type, avec aussi peu de conviction, peut chanter et jouer aussi bien de l'harmonica. Il doit s?agir des vertus d?un interminable sacerdoce consacré au blues ; donc respect malgré tout? Après quelques atermoiements, un rappel clôturera néanmoins finalement la cérémonie.
Ce dixième Swamp Blues Festival, quelle programmation, quand même : la crème des bluesmen européens et américains sur la même affiche !!!
Cela avait de quoi réserver de bonnes surprises.
Elles furent bien au rendez-vous, quoique plus inattendues que celles envisagées?
Mais une mauvaise surprise plane sur Calais pour la onzième édition du BSBF : Dominique Floch, à l'origine de la création de ce festival semble mis à l'écart. Quelle ingratitude au regard de sa judicieuse et prodigieuse programmation !
Je n?en imaginais pas de meilleure : un défi insurmontable pour ses successeurs ?